La Jusquiame Noire (Hyoscyamus niger)

par Lilith


Autres noms : Quenelle, Chenille, Quenillie, Chênellé, Fève de Jupiter, Apollinaire, Herbe de Sainte-Apolline, Mort aux oies ou aux oisons, Mort aux poules, Hanebane , Henbane, Herbe au mal de dents, Graine de dents, H. des noirons, H. aux chevaux, H. aux tignes, Graine de tignes, Teignée, Fève de porc, Potée ou pottelée, Tabatière de chat, Herbe au somme ou au sommeil, H. au grand sommeil, Pavot d’empoisonneur, Cariada, Pisse-chien, Symphonie, Sinagrin, H. d’engelure, Plante des morts.

Famille : Famille des solanacées. Plantes herbacées annuelle ou bisannuelle que l’on trouve en France, Angleterre, Hollande, Europe Centrale, Asie, Afrique septentrionale et Russie. Elle pousse dans les terrains en friche ou labourés, chemins abandonnés, décombres, terrains vagues, anciens cimetières…souvent près de la mer ou à proximité de bâtiments agricoles. Elle s’est naturalisée dans les régions tempérées.

Tiges : La tige verte ou violacée est très ramifiée. La plante velue,son latex à une odeur désagréable.

Feuilles : Les feuilles sont grandes, vertes pâles, en forme de triangle allongé.

Fleurs : Les fleurs sont jaunes pâles.

Floraison : La floraison ce fait de juin à septembre et se caractérise par des fleurs jaune-brun en larges cloches de 2 à 3 cm veinées de pourpre à la gorge contenant en leur centre cinq étamines violettes.

Composition : La plante renferme des alcaloïdes toxiques : l’hyoscyamine, l’atropine,l’hyoscine (scopolamine). Ces principes actifs sont identiques à ceux de la Belladone.

Correspondances :

Genre : Féminin

Planète : Saturne

Elément : Eau

Pouvoir : Voyage astral

Déités : Héraklès-Hercule

Partie toxique : Toute la plante



Histoire


Le mot hyoscyamus est la traduction littérale de l’un de ses surnoms : fève à cochons. Niger, noir, en raison du cœur noir des fleurs de jusquiame, mot qui n’apparaîtra qu’au 13 ème siècle. Avant cela, on l’appellera chanillia. En anglais, elle se nomme henbane qui signifie « tue-poule » (Mort aux poules) en raison de ses conséquences toxiques sur ces animaux.
La jusquiame, moins médiatique que ses sœurs Belladone et Mandragore, n’en demeure pas moins une plante dont les usages remontent à loin. Espèce rudérale originaire d’Orient, son rôle dans la pharmacopée occidentale est loin d’être négligeable. Comme toutes les plantes magiques, il circule beaucoup de légendes et d’anecdotes à propos de la jusquiame.
Les plus anciens textes au monde relatifs à la pharmacopée sont ceux de la Mésopotamie et de l’Égypte. Les tablettes d’argile de Sumer font mention de l’utilisation de la jusquiame comme hallucinogène.
Le papyrus Ebers, un papyrus médical écrit à Thèbes vers 1600 avant notre ère, mentionne aussi la jusquiame parmi des centaines d’autres drogues (opium, séné, ricin etc.).
Des documents égyptiens et babyloniens la mentionnent ainsi que le fameux Corpus hippocraticum. L’empereur chinois Chen Nong la classera, il y a de cela 5 700 ans, parmi les plantes inférieures.
Les Egyptiens employaient beaucoup ce « café de Jusquiasme » qui a des propriétés très proches de celles du kif (chanvre indien). Les anciens Égyptiens retiraient des graines une huile pour les lampes magiques.
Homère lui-même fit la description de boissons magiques dont les effets laissent penser que l’ingrédient principal devait être la jusquiame.
La Grèce antique l’utilisait afin de simuler la folie et donner le don de prophétie. D’ailleurs, les prêtresses de l’oracle de Delphes – la pythie entre autres – n’inhalaient-elles pas de la fumée de graines de jusquiame ?
Les Romains ne furent pas en reste, en l’occurrence à travers la fameuse thériaque, un mélange de multiples plantes sensé être une panacée qui devait guérir tous les maux. C’est un médecin de Néron à qui l’on doit cette préparation qui traversa les deux premiers millénaires de l’ère chrétienne : Andromaque l’ancien. Ce remède, qui contenait plus d’une centaine d’ingrédients dont pavot et jusquiame, fut en vigueur dans la pharmacopée française jusqu’en 1884 !
Plus tard, au Moyen-Âge, les usages se multiplient, pouvoirs magiques et curatifs de la plante étant étroitement liés.
Du Bas Moyen Âge jusqu’à la Renaissance, on trouve mention d’utilisations magico-religieuses de plantes dans plusieurs ouvrages d’astrologie alchimique tel le Grand Albert (XIIIe-XVIe siècle). À cette époque, la jusquiame noire surnommée l’herbe au somme est considérée comme une plante magique aphrodisiaque. Portée sur soi, elle « permet d’attirer le beau sexe » car elle rend son porteur « fort joyeux et fort agréable ». La plante « contribue beaucoup à donner de l’amour et à se servit du coït »


D’un point de vue médicinal, les recettes médiévales exploitèrent largement les vertus encore aujourd’hui connues et avérées de la jusquiame : on respirait les vapeurs des graines rôties contre maux de dents et névralgies dentaires, ces mêmes graines furent utilisées en décoction pour combattre les tremblements des membres et les maux d’oreille, on l’utilisa comme analgésique lors d’opérations chirurgicales…
La jusquiame eut d’autres usages à travers les coutumes et traditions germaniques : elle était utilisée pour parfumer la bière afin de rendre ses consommateurs euphoriques mais cet usage tomba sous le coup d’une interdiction en 1516 (en allemand, la jusquiame se nomme bilsenkraut. La bière Pilsen tire donc son nom de cet héritage.)
En Allemagne, toujours, la jusquiame était fumée dans ce que je nommerais chastement les « maisons de bain » dans lesquelles la nudité totale et les orgies subséquentes étaient monnaie courante (la jusquiame passe pour aphrodisiaque, chose sur laquelle je ne m’avance pas.)
Les Arabes appellent les graines de cette espèce benzé ou bizr-bindji. La boisson qu’on en tire, très prisée des Orientaux, exalte les pouvoirs psychiques et stimule également tous les organes. Pour employer une terminologie appartenant aux philosophies de l’Inde, nous dirons qu’elle stimule les chakras.
On prétend que cette plante, originaire de l’Orient, aurait été importée en Europe au Moyen Age par des Roumis (bohémiens) qui l’utilisaient pour leurs sortilèges.
L’infusion des graines de la Jusquiame-datura orientale a été, autrefois, employée en Europe pour les voyages astraux ; ses effets étaient si connus à la Renaissance qu’on leur donna le nom de berlue- Danaë. Le sujet commençait par avoir des visions célestes, des points lumineux dansaient, se précipitaient en pluie d’or… Puis la personne avait l’impression que sa tête se détachait des épaules, tandis que le corps partait de son côté et se mettait à errer dans l’apesanteur. Tout se passa relativement bien tant que les magiciens-herboristes furent les seuls habilités à manipuler ces graines que seul un expert peut distinguer des autres. Puis des profanes voulurent faire leurs propres expériences, ils prirent une Jusquiame pour une autre, des accidents de plus en plus nombreux se produisirent, et ces plantes acquirent une réputation telle que personne ne voulut plus y toucher – avec raison.
Au siècle dernier, on a signalé plusieurs cas d’ouvriers agricoles qui, s’étant endormis dans le voisinage d’un lieu où les Jusquiames étaient nombreuses, avaient subi les mêmes effets que les personnes qui s’endormaient près des champs de chanvre.
Aujourd’hui, nous connaissons surtout la Jusquiame noire (Hyoscyamus niger) ; une variété à fleurs blanches (H. alba) ; une autre dénommée H. datura dont on torréfie les semences, qu’on fait ensuite infuser comme le café.


La Jusquiame et la Sorcière


Dioscoride, qui n’ignorait rien de la toxicité de la Jusquiame noire, prétendait qu’elle permettait d’entrer en contact avec les lutins et les diables dansants. Mais il ne suffit pas de porter un nom redoutable et d’être éminemment toxique pour mériter le titre d’Herbe de la Sorcière : encore faut-il pouvoir justifier d’armes que les autres n’ont pas ! En la matière, la Jusquiame noire aurait, aux dires des spécialistes, le petit plus qui fait le différence.
Entrant dans la composition de l’onguent magique dont s’enduisent celles qui partent pour le Sabbat, elle permettrait en effet aux Sorcières d’enfourcher leurs balais et de voyager dans les airs avec la facilité que l’on sait. Du moins, ceux et celles qui en usent en sont-ils persuadés… Cette capacité réelle à provoquer ou à favoriser les hallucinations les plus extravagantes joua plus d’un tour à ceux qui se livraient à de telles pratiques et racontaient en toute bonne fois leurs « voyages ». Nombreux sont les imprudents utilisateurs qui finirent sur un bûcher lors des procès en Sorcellerie, si répandus aux XIII et XVII siècles.
Aux Canaries, un sorcier nommé Cosme, arrêté pour avoir commis de nombreux méfaits, avoua lorsqu’il fut soumis à la torture avoir conclu un pacte avec le Diable. « Devant le Saint-Office, qui réclama l’affaire il se rétracta et reconnut, sans qu’on l’ait torturé, que dans une maison il s’était enduit d’un onguent sous les aisselles, sur la paume des mains et la plante des pieds, puis qu’il s’était envolé vers les sablières… on lui demanda s’il s’était déplacé en corps ou en esprit, et il répondit que s’était de cette dernière façon. »
On voit sur la base de tel témoignage, quelles interprétations naturalistes modernes on pourrait donner au vol des sorcières. Le problème de la réalité du sabbat fut d’ailleurs posé à peu près en ces termes par des scientifiques dès le XVIe siècle. La description d’assemblées démoniaques et de leur prodiges (vol, métamorphose en bête) a-t-elle une réalité objective ou est-elle le résultat de la consommation de drogues hallucinogènes?
Bodin, dans sa Démonologie, raconte « qu’un homme des environs d’Angers, ayant vu une nuit sa femme se lever d’auprès lui, puis sortir par la fenêtre à cheval sur un manche à balai, se précipita affolé à la cuisine où il vit, sur la table, un pot entamé; c’était l’onguent de Jusquiame dont la digne ménagère venait de se frotter ».
D’autres visions propres à la Jusquiame furent signalées comme ces étranges « pluies d’or » dont fait parfois état la littérature ésotérique. Moins honorable étaient les pratiques de certains sorciers qui s’en servaient pour préparer de nombreux philtres plus ou moins malfaisants. Le Petit et le Grand Albert en donne une idée assez inquiétante… Citons le cas de cette potion à base de Jusquiame qui, administrée aux timides et aux peureux, les faisaient tomber dans un profond sommeil durant lequel se succédaient les pires cauchemars. Ces délires étaient censés habituer les malheureux aux épreuves de la vie qu’ils craignaient d’affronter en temps ordinaire.
Mais l’ingestion de Juisquiame n’était pas sans danger, Pline dit non sans raisons : » Qu’elle rends stérile, fou et querelleur celui qui la consomme ». Cela explique sans doute pourquoi les sorciers et les devins, mieux avertis et plus prudents que leurs clients, ne consommaient pas directement la plante, mais l’utilisaient plutôt en fumigations pour entrer dans un état extatique.

La thèse pharmacologique fut formulée pour la première fois par deux scientifiques italiens : un mathématicien-médecin Girolamo Cardano, dans De Subtilitate, 1550, et un physicien cryptologue, Giovan Battista Porta, dans Magie naturelle, 1558. En bon scientifique, Porta prétend avoir réalisé une expérience12 instructive. Il fit s’enduire d’onguent une vieille femme qui tomba dans un profond sommeil. Avec ses amis, Porta lui infligea une bonne correction mais à son réveil la sorcière raconta « beaucoup de mensonges ». Porta eut beau lui montrer ses blessures, la vieille continua à se tenir à sa version des faits.
À la même époque, un médecin et humaniste espagnol, Andrés Laguna, arrive aussi à la conclusion que tout ce que croyaient faire les sorcières était le résultat de la prise de substances narcotiques et donc que le sabbat était le seul produit de leur imagination. Laguna raconte, dans son commentaire de Dioscoride (1555), comment se trouvant en Lorraine, il fut le témoin de l’arrestation et de la condamnation à mort sur le bûcher de deux vieillards accusés de sorcellerie. Il se procura alors l’onguent qui avait été trouvé dans l’ermitage où ils vivaient pour tester l’effet d’un tel produit. Il fit enduire entièrement une de ses patiente insomniaque. Celle-ci tomba aussitôt dans un profond sommeil et se réveilla 35 heures plus tard en disant à son mari en souriant qu’elle l’avait cocufié avec un beau jeune homme.
Un autre médecin, originaire du Duché de Brabant, Jean Wier (ou Johann Weyer 1515-1586) donne la recette d’huile assoupissante suivante : graine d’Ivraie, Ciguë, Jusquiame et Belladone mais pour lui les illusions des sorcières ne viennent pas de leur consommation de drogues. Dans De Prestigiis Daemonum (1563), il explique comment leurs illusions diaboliques sont produites par l’action corruptrice des vapeurs sur le cerveau. Derrière cette explication naturaliste, il y a en fait, nous dit Weier, le Diable qui profite de la faiblesse des sorcières due à leur sexe, leur âge et leur ignorance, pour manipuler leurs sécrétions humorales13.
Au XIXe siècle, l’historien Michelet décrira dans son essai La Sorcière (1862) les sorcières comme des sages-femmes guérisseuses utilisant les propriétés des solanacées pour soulager les maux féminins. Pour lui, le sabbat est réel, elles y consomment des drogues hallucinogènes pour échapper à leur limitations sociales.

 

Usages

Plante vénéneuse pratiquement ignorée de nos jours, dans l’herbier magique, en raison de sa toxicité, la jusquiame est encore utilisée à l’occasion pour attirer l’amour, de la manière suivante :
Un homme cueille la jusquiame, tôt le matin, nu et se tenant sur un seul pied. Portée sur soi, la plante attire l’amour. Brûlée à l’extérieur à proximité des portes, elle attire la pluie ; mais comme sa fumée est empoisonnée, on lui substituera la fougère.
Dotée de propriétés psychotropes communes aux solanacées vireuses (datura, belladone et mandragore) la jusquiame noire a été utilisée en Europe depuis l’Antiquité à des fins rituelles, notamment pour entrer dans des états modifiés de conscience : dilatation des pupilles, sensations de distorsion de la personnalité, impressions de lévitation, confusion entre état hallucinatoire et éveillé, perceptions d’illusions comme étant la réalité, etc.
En raison de sa toxicité, il faudra attendre 1762 pour que usage interne soit officiellement conseillé en tant qu’analgésique, narcotique, calmant et antispasmodique. Pour des résultats similaires à la Belladone, son usage est préférable, à cette dernière car la Jusquiame étant moins fortement concentrée en alcaloïde toxique, son dosage s’en trouve facilité. Malgré ce noir tableau, il convient toutefois de préciser que les accidents mortels sont rares, parce que le goûts de la plante est tout à fait repoussant. De plus, cuite, elle perd une grande partie de sa toxicité.
Contrairement au délire furieux de la belladone (ce qui lui a valu le surnom de morelle furieuse), la jusquiame présente un délire qu’on qualifie de « calme » Sourire.



Propriétés thérapeutiques


La scopolamine est un sédatif du système nerveux lui conférents des propriétés analgésiques. Elle est également antiémétique en antiparkinsonienne. Uniquement utilisée sous forme de spécialités pharmaceutique.

Attention !!
Plantes très toxiques comme la Belladone et le Datura. 15 à 20 graines peuvent provoquer la mort d’un adulte. A haute dose, la jusquiame induit les mêmes effets que ceux de la belladone : mydriase, prostration, engourdissement des membres, somnolence, ivresse, myosis, délire, convulsion, paralysie, coma et mort. Feuilles et graines sont inscrites au Tableau A des substances vénéneuses, Pharmacopée de 1965.


 

 

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