Rosaleen Norton
une auto-biographie (2)
Avec un calme
étonnant celle qui confesse pratiquer les arts magiques a stupéfié ceux qui
pensaient que le culte du « Dieu-Bouc » était mort et enterré
Les Sorcières ne Cherchent pas à Recruter
par Rosaleen Norton in Australian Post du 10 janvier 1957
version française Tof
Cette histoire d’une sorcière par une sorcière a commencé la semaine dernière
par le récit de l’enfance de Rosaleen Norton. Elle croit être est contact avec
des forces hors de portée des croyances humaines normales. C'est son histoire
sans addition ou soustraction
A treize ans, j’ai été confirmée – comme sorcière
Bien que cela semble étrange aux mœurs de cette société et de ce siècle, c’est
un fait, il y a des sorcières nées.
Certains pratiquent la sorcellerie - mais je n’ai encore jamais entendu parler
de personne devenant sorcière, en dépit des rumeurs de covens qui tentent
d’invoquer le « Dieu-Bouc ».
Je ne leur dirais qu’une chose, essayer cela ne serait qu’une bêtise, mais en
plus cela ne pourrait qu’amener le trouble. Ceux qui s’y adonneraient parce
qu’ils auraient été dupés ou contraints n’y récolteraient que nuisances.
Le plus important est vraiment que ces gens là ne s’y essaient pas – surtout
ceux qui ne cherchent qu’une excitation superficielle
Si des gens comme ça s’en mêlent avec l’idée que les rituels magiques ne sont
que des orgies sexuelles, ils ne feraient qu’entraver les opérations magiques ou
pourraient même devenir hystériques suite à la peur résultant de ce qui se passe
lors des rituels et des apparitions s’y produisant.
Une ambiance particulièrement chargée avec de telles forces a, en elle-même,
souvent un effet particulier sur les personnes peu habituées à de telles choses.
Maintes et maintes fois j'ai eu des visiteurs devenant mal à l’aise et
littéralement touchés par la « panique », parfois sans raison apparente, et,
occasionnellement lors d’incidents habituels dans mon monde mais qui était pour
eux inexplicables et « surnaturels ».
J’ai souvent remarqué que les sceptiques y sont très sensibles, et sont
susceptibles de s’agiter et d’être bouleversés, lors d’événements qui sont
acceptés calmement ou avec intérêt par les gens plus conscients psychiquement.
A une époque je gardais une trace de ces événements et des réactions des
personnes qui les avaient expérimentés. Cela sera évoqué plus tard dans mon
récit.
Des gens ont parfois suggéré que certaines de mes actions étaient peut être
motivées par une réaction vis-à-vis d’un milieu familial excessivement pieu ou
strict.
Non, ce n’était pas le cas, j’ai grandi dans une famille de classe moyenne, pour
qui la religion était plus une affaire de coutume que de convictions et notre
présence sporadique à l’église était plus un signe de politesse qu’autre chose.
Ce n’était donc pas pour cette raison que l’imagerie et les termes utilisés dans
les religions normales ont suscité chez moi un sentiment de répulsion.
Je dois parfois encore calmer mon esprit par un acte de volonté avant de pouvoir
discuter ou argumenter à ce sujet.
Un incident dans mon enfance pourrait aider à clarifier mon attitude à cette
époque.
Je me souviens qu’une autre enfant m’avait dit à voix basse - nous n’avions que
sept ou huit à l’époque - que de dire un mot précis à voix haute (elle me l’a
épelé et ce n’était pas ce qu’on considère généralement comme un mot « obscène
») était un « péché impardonnable. » Cela me plaisait bien, ainsi totalement
consciente de ce que je faisais, j’ai attendu la fin des cours pour prononcer le
mot bien comme il faut.
Plus tard, je me suis rendue au centre de la pelouse derrière à la maison, j’ai
pointé le doigt vers le ciel pour m’assurer une attention pour la communication
bouleversante que j’étais sur le point de faire. J’ai dit : « Ecoute » (une
pause), puis j’ai crié le mot et j’ai attendu que le ciel s’écroule.
Je me suis sentie à la fois soulagée et insultée quand il est devenu évident que
l’univers refusait de chanceler - autant que, lorsque quelques années auparavant
j’ai annoncé prétentieusement à ma mère : « Je sais tout », et elle, absorbée
dans des travaux de couture, a répondu distraitement : « Ah bon ma chère ? »
Avant de poursuivre mon récit, je vais essayer d’expliquer une chose qui est
restée fondamentalement immuable tout au long de mon enfance, mon adolescence et
ma vie adulte, et je répondrai dans le même temps à certaines questions
récurrentes qui m’ont été posées par différents types de personnes.
Pour commencer, je suis ce qu’un psychologue que je connais qualifie de «
Psychique Inverti ». Ce qui désigne une personne dont la psychologie basique
fonctionne naturellement de façons opposées à celles des personnes considérées
comme normales.
(Même si, bien sûr, il n’y a pas de norme absolue en la matière, il y a des
comportements et des réactions communes à la majorité des êtres humains, même
s’ils diffèrent en fonction des types raciaux, des sociétés, etc...)
Avec l’inversion, c’est comme si les éléments d’un composé chimique avaient été
polarisés de façon opposée – ce qui aboutit dans les faits à une substance
différente.
Psychologiquement et spirituellement au moins, les Psychiques Invertis sont
d’une espèce différente et, je le sais grâce à une longue expérience, trouvent
les pensées et les comportements des êtres humains normaux tout aussi étranges
que ces derniers trouvent les nôtres.
Voilà un petit incident étrange lorsque j’étais à l’école qui symbolise
parfaitement ma position puisqu’un exemple concret traduit généralement une idée
plus facilement que toute explication théorique : je n’ai jamais été bonne en
algèbre, j’étais si mauvaise que les professeurs de mathématiques me
soupçonnaient d’être délibérément « stupide ».
Pourtant, lors d’un mémorable devoir sur table, j’ai résolu correctement un
problème algébrique complexe - et j’étais la seule à être parvenue au bon
résultat, mais comme j’avais raisonné dans l’autre sens il avait fallu deux
étapes supplémentaires pour y arriver.
Je ne l’avais pas fait délibérément : Les symboles algébriques avaient
apparemment été disposés en désordre et les replacer dans le bon ordre était
censé être une partie du problème, mais mes connaissances générales de l’algèbre
étaient si floues que je n’avais pas vu qu’ils n’étaient pas dans l’ordre.
L’effet que ça a eu sur le professeur fut très curieux, puisqu’ensuite elle m’a
regardée avec un dégoût froid. Elle ne « pensait pas qu’il était possible »,
pour reprendre ses paroles que j’arrive à résoudre ce problème alors que je
n’arrivais pas à résoudre des problèmes en comparaison très « faciles ». Elle
était persuadée que je me moquais d’elle.
Selon elle, quelqu’un qui a les capacités mathématiques suffisantes pour
résoudre ce problème devrait considérer les autres comme un véritable jeu
d’enfant, je devais donc faire semblant d’être un cancre.
L’incident lui-même, comme je l’ai dit, symbolisait une réalité plus vaste et
même dans certains domaines de l’occultisme (où existent des lois de la nature
différentes) mon expérience semble s’opposer à celles des autres traditions
connues.
Il y a quelques années par exemple, j’ai vécu une transe profonde qui a duré
cinq jours. Peu de temps après j’ai rencontré un moine bouddhiste de Birmanie
qui était un expert en ces domaines. Il sembla étonné quand je lui ai décrit le
contenu de cette transe, et après m’avoir soigneusement interrogée sur le sujet,
il a dit qu’il s’agissait sans aucun doute de ce que certains écoles bouddhistes
appellent la « Transe de l’Annihilation. »
Paradoxe Occulte
Il s’agit de l’étape ultime d’un Cours de pratique ésotérique, et, selon lui, il
était relativement rare qu’on y parvienne et ce n’était possible qu’après une
longue série d’étapes intermédiaires.
Pourtant, à cette époque, je rencontrais des difficultés avec certains problèmes
liés à l’occultisme alors que selon lui ils auraient facilement pu être gérés
par la plupart des étudiants à un stade très précoce de leur formation.
Il en est de même sur le plan mental : je peux « visualiser » des idées
métaphysiques et abstraites dont on me dit que ce sont des concepts purement
mathématiques, mais souvent les problèmes simples et concrets sont en dehors de
ma portée.
Encore une fois, sur un plan plus terre à terre, rien ne pourrait me décider à
tomber enceinte, l’idée même d’être enceinte m’a toujours répugnée,
principalement parce que je pense que ce serait une atteinte à ma propre
plénitude – ce qui est apparemment à l’opposé de ce que pense la plupart des
femmes.
En matière de relations sociales, je suis souvent nerveuse mais de façon
incongrue. Parler en public devant un auditoire apparemment sympathique me
paralyse presque de peur, jusqu’à ce que certains auditeurs commencent à
chahuter – et là je retrouve immédiatement confiance en moi.
Et ainsi de suite. . . Je pourrais continuer indéfiniment à donner de tels
exemples.
Tout cela, cependant, m'amène aux questions posées précédemment. « Pourquoi
aimez-vous les choses laides et grotesques - pourquoi ne pas dessiner des choses
belles ? » « Si vous voyez le genre de choses que vous dessinez, est-ce que cela
ne vous effraie pas ? »
La réponse est : je dessine ma propre conception de la beauté, qui, comme toute
autre qualité (y compris l’obscénité, comme je l’ai déjà fait remarquer), se
trouve dans l’œil du spectateur.
Les sorcières ne cherchent pas à recruter
Quant à « est ce que je suis effrayée par les choses que je vois ? » Non!
Jamais! La plupart d’entre elles font autant partie de mon monde et me sont
aussi familières que l’est une théière, et elles me sont tout autant
nécessaires.
Les débuts de l’adolescence éveillent souvent à la fois les besoins religieux et
sexuels et il en fut de même pour moi. Avant, depuis quelque temps, j’avais été
constamment consciente d’un monde dans lequel se déplaçaient de vastes pouvoirs
mystérieux, je sentais des présences démoniaques joyeuses et des atmosphères
familières envoûtantes, élusives mais puissantes et irrésistibles, quand tout
autour de moi semblait changer d’orientation comme les motifs vus dans un
kaléidoscope.
Si le Royaume de Pan a toujours été avec moi, c’était surtout en arrière-plan,
recouvert par ce qu’on appelle la réalité : Là il avait commencé à émerger et
envahir le monde qualifié de réel.
Je suis devenue de plus en plus consciente que le monde pénible de l’enfance
n’avait pas vraiment d’importance, car il contenait l’essence de tout ce qui en
appelait à mon être intime : La nuit, les choses sauvages et le mystère ; la
tempête; être par moi-même libre par rapport aux autres. Le sens d’une certaine
connaissance profonde cachée au fond de la conscience. Tout en moi avait le
sentiment d’une vie sensible secrète, en alliance avec moi, mais dont les autres
n’avaient pas conscience ou en étaient effrayée car ce n’était pas humain.
Ainsi, mon premier acte de la magie cérémonielle fut en l’honneur du dieu cornu,
dont la flute est un symbole de magie et de mystère et dont les cornes et les
sabots représentent les énergies naturelles et la liberté. Ce rite fut aussi mon
serment d’allégeance et ma confirmation comme sorcière.
Je me souviens très bien de mes sentiments à cette occasion et ils sont toujours
valables aujourd’hui : si Pan est le « diable » (et le joyeux dieu-bouc l’est
probablement, d’un point de vue strictement orthodoxe) alors que je suis en
effet une adoratrice du « diable ».