Onctions, Philtres Potions etc
par Francis Barrett
version française Tof
Les onguents ou onctions, collyres, philtres, etc. accordent les vertus de choses naturelles à notre esprit, ils les multiplient, transforment, transfigurent, et le transmutent en conséquence. Ils transposent aussi ces vertus, qui sont en elles, dans notre esprit, de sorte qu’elles agissent non seulement sur son propre corps, mais aussi sur ce qui est près de lui et l’affecte (par des rayons visibles, des charmes et en le touchant) de certaines qualités agréables qui lui sont proches. Ainsi, comme notre esprit est la vapeur du sang, pure, subtile, lucide, aérée et onctueuse, rien n’est donc plus adapté pour des collyres que ce type de vapeurs, qui sont, en substance, plus appropriées à notre esprit, ainsi, en raison de leur similarité, elles sont plus aptes à secouer, attirer, et transformer l’esprit. La même vertu tient dans d’autres onguents et compositions. Ainsi, par le contact, souvent la peste, la maladie, les évanouissements, l’empoisonnement et l’amour, sont induits, par les mains ou les vêtements qui sont oints et de même l’amour est souvent excité par des baisers ou des choses conservées en bouche.
La vue, comme elle perçoit plus purement et clairement que les autres sens, imprègne en nous les marques des choses de façon plus intense et fait surtout, et avant tous les autres, être qu’on soit d’accord avec notre esprit fantastique, comme cela semble être le cas dans les rêves, où les choses que l’on voit nous semblent souvent plus présentes que les choses entendues ou relevant des autres sens. Ainsi, quand les collyres transforment les esprits visuels, cet esprit peut facilement affecter l’imagination, qui étant affecté par diverses espèces et formes, transmet la même chose, par le même esprit, au sens physique de la vue, par laquelle on a de cette façon une perception de telles espèces et formes, comme si on les avait transformées par des moyens externes, pour qu’ils semblent avoir une apparence terrible à ceux qui les voient, qu’ils ressemblent à des esprits et autres êtres semblables. Il y a des collyres qui nous font voir l’image des esprits de l’air, ou celle d’esprits d’autres éléments, que je peux concocter à partir de bile humaine, des yeux d’un chat noir et de quelques autres choses. On peut faire la même chose à partir du sang d’un vanneau, d’une chauve-souris et d’une chèvre. Si l’on enduit de jus d’armoise un morceau d’acier brillant puis qu’on le chauffe pour qu’il se mette à fumer, il fera que les esprits invoqués apparaîtront. Il y a des parfums ou des fumigations et des onctions qui incitent les hommes à parler et marcher pendant leur sommeil et à faire des choses que font des hommes éveillés et choses que souvent ils ne pourraient pas, ou n’oseraient pas, faire à l’état de veille ou encore, incitent des hommes à entendre des bruits ou des sons horribles ou charmants.
Et, dans une certaine mesure, c’est ce qui fait que les fous et les mélancoliques croient qu’ils entendent et voient des choses fausses et improbables et succombent à des illusions les plus brutes et les plus pitoyables, ils ont peur là où il n’y a nulle crainte à avoir et se fâchent sans personne contre qui se fâcher. Il nous est possible d’induire de telles passions par des vapeurs magiques, des compositions, des parfums, des collyres, des onguents, des boissons magiques, des poisons, des lampes, des éclairages, etc., ainsi qu’à l’aide de miroirs, de figurines, de sortilèges, de charmes, de sons et de musique ainsi que par divers rites, observations, cérémonies, foi, etc.