« Ye Bok of ye Art Magical »
et le New Forest Coven
par J.Lewis française
Tof
Le groupe de la New Forest s’intéressait à la magie populaire, qui est toujours
laïque, et en usait autant que possible. Mais le problème avec la magie
populaire était qu’elle n’est que pratique, il n’y a aucune théorie : Pour
soigner une verrue, utiliser telle plante, pour conquérir une demoiselle réciter
tel charme. Cette sorte de « basse magie » n’offre pas le type de structure
théologique dont ceux de la New Forest avaient besoin pour donner un sens à leur
nouvelle religion. Pour assurer le succès de leur renouveau de l’Ancienne
Religion ils avaient besoin de ce qui devait être en fait, un nouveau moyen de
faire de la magie. Pour le créer ils devaient utiliser des rituels d’une autre
sorte que ceux utilisés en magie Cabalistique. Comme les membres du coven
étaient Rosicruciens, Maçons, Co-Maçons etc. (et qu’ils appréciaient aussi le
théâtre), ils connaissaient l’existence de rituels qu’ils pourraient, et ont
probablement, adaptés à leurs besoins. Par exemple, dans le Livre des Ombres on
trouve beaucoup de textes ayant une structure maçonnique. Comme on peut le voir,
il semble logique que beaucoup de ce qui peut sembler étrange au sujet des
rituels de ceux de la New Forest peut être expliqué en considérant que les
écrits de Margaret Murray étaient le modèle auquel tout le reste devait
correspondre.
La structure basique suivante est une des caractéristiques du mouvement
gardnerien :
- tracer le cercle
- invoquer les directions (nord, est, sud, et ouest)
- invoquer les déités
- générer et utiliser de l’énergie magique
- partager un petit repas symbolique composé de « gâteau et de vin »
- le renvoi des déités et des directions
- dissiper le cercle.
On ne sait toujours pas clairement d’où le
groupe a tiré cette séquence particulière. Quelle est son origine ? Cette
séquence ne provient ni de la franc-maçonnerie, ni de la Golden Dawn, ne de la
Magie Cérémonielle ni d’une autre source livresque de l’époque. Est-ce que ces
opérations étaient propres à la Sorcellerie ?
La réponse se trouve peut être dans la connaissance du groupe des pratiques
suivies par l’Order of Woodcraft Chivalry, une alternative britannique au
mouvement scout américain, qui était basée dans la New Forest. L’Order of
Woodcraft Chivalry était basé sur l’American Woodcraft movement, initié en 1917
par Ernest Thomson Seton qui s’était largement inspiré de ce qu’on « savait » à
cette époque des pratiques spirituelles des amérindiens. Ses pratiquants se
retrouvaient dans un cercle, ils invoquaient les esprits des quatre directions,
dansaient en ronde dans le cercle au son du tambour (on pensait que tous les «
indiens » faisaient cela), ils partageaient un petit repas, remerciaient puis
congédiaient les esprits et dissipaient le cercle. Les leaders de l’Order of
Woodcraft Chivalry qualifiaient même leurs rituels de Witancraft, « l’Art des
Sages ». Plus encore il semble que Dorothy Fordham Clutterbuck et son groupe de
Théâtre Rosicrucien assistaient en invités aux rituels de l’Order of Woodcraft
Chivalry, ce peut ainsi être une autre source de l’évolution des rituels de la
Sorcellerie.
En plus de son rituel basique, le New Forest Coven doit avoir commencé à créer
des rituels d’initiation pour son propre usage. Que ses membres pratiquaient ou
non une sorte d’initiation lors des Sabbats, ils devaient certainement avoir
commencé à créer des rituels d’initiation dès le début. Aucun de ces rituels n’a
survécu, mais les rituels décrits dans « West Country Wicca » de Rhiannon Ryall
sont probablement très proches des rituels originaux du New Forest Coven.
Margaret Murray affirme qu’il y avait apparemment trois différentes « cérémonies
d’admission » : une pratiquée en public, une pour la consécration en tant que
Prêtresse et une pour accueillir un membre dans le coven. Ces cérémonies
pouvaient se tenir soit lors d’un Sabbat soit lors d’un Esbat (une rencontre
rituelle) et étaient les mêmes pour les membres des deux sexes. Cela pouvait
impliquer d’être rebaptisé, d’être renommé, d’être marqué ou tatoué ou de se
voir demander de signer son nom dans un livre.
Le livre de Ryall, en plus de mieux nous faire connaître le New Forest Coven
nous apprend qu’à la fin de la seconde Guerre Mondiale ses membres se sont
éparpillés dans toute l’Angleterre. Réduit à cette époque à ne pratiquer qu’avec
un tout petit groupe, Gardner a commencé à réécrire les rituels et à en créer de
nouveaux. Certains membres ont continué à pratiquer la Sorcellerie, comme ceux
de la région où résidait Ryall et d’après ce qu’elle décrit nous pouvons
imaginer ce qu’étaient les rituels avant leurs réécritures par Gardner.
Bien sûr, les rituels sur lesquels s’est concentré Gardner étaient ceux créés
par le New Forest Coven et ceux-ci ne remontaient pas à ce qui restait d’une
quelconque tradition magique païenne mais plutôt à diverses sources de la
tradition magique occidentale : de ce qu’a fait Aleister Crowler du système de
l’Ordre Hermétique de l’Hermetic Order of the Golden Dawn, de la version de S.L.
MacGregor Mathers des Clavicules de Salomon, des rituels maçonniques et d’autres
fraternités, du savoir de Margaret Murray et James Frazer, l’auteur du Rameau
d’Or et des érudits classicistes de Cambridge qui ont chargé de romantisme le
monde classique.
Gardner a commencé à réécrire les idées et rituels du New Forest coven dans un
cahier à couverture de cuir qu’il a appelé « Ye Bok of ye Art Magical ». Dans le
système de Gardner il y avait trois initiations qui incorporaient des éléments
comme ceux décrits par Margaret Murray et placées dans un cadre inspiré du
système d’initiation à trois degrés des loges maçonnique. Il y a introduit
quantité de « ligotage et flagellation » qui sont son apport à des textes plus
anciens et plus rudimentaires. Les rituels d’initiations dans « Ye Bok of ye Art
Magical » étaient conçus pour être pratiqués par une personne pour une autre
personne à la fois. Même si cela indique que son coven était très petit, Gardner
ne pratiquait pas seul lorsqu’il créait les rituels de « Ye Bok of ye Art
Magical », ils étaient clairement conçus pour une utilisation liturgique dans le
cercle. Un peu comme toute liturgie, les rituels résultaient d’une assez longue
démarche de groupe.
Gerald Gardner n’a pas créé seul la vision d’une religion païenne au Moyen-Âge
dans le roman « High Magic’s Aid » qu’il a écrit vers 1946 et qui fut publié en
1949. Il semble plutôt que ce livre soit le fruit du travail d’un groupe. En
fait, vers 1946 Gardner travaillait sur le roman tout en réécrivant les rituels.
« High Magic’s Aid » est une description fantaisiste et plutôt détaillée des
croyances et pratiques d’un culte Britannique de Sorcières vers le quinzième
siècle. Cela révèle combien Gardner et les siens réfléchissaient à ce que
pouvait être une religion païenne et magique au Moyen-Âge et comment une telle
religion pouvait être « recrée ». Cela révèle aussi que Gardner et les siens
connaissaient bien l’œuvre de Margaret Murray – des douzaines d’éléments tirés
de « The Witch-Cult in Western Europe » se retrouvent dans « High Magic’s Aid ».
Dans ce dernier livre on retrouve les descriptions pas-à-pas des Premier et
Second Degré d’initiation, suivant d’assez près le texte de « Ye Bok of ye Art
Magical » et on y lit que ces initiations « sorcières » doivent se pratiquer
dans un cercle magique tracé par un magicien cérémoniel. Cette description est à
l’opposé des pratiques Sorcières actuelles – mais c’est comme cela que les
cercles Gardneriens devaient être tracés et l’étaient apparemment encore jusqu’à
peut être 1957.