Dans une Banlieue de Londres…
par Tom Hyman
version française
Tof
Nous sommes assis par terre dans l’unique pièce d’une maisonnette sans fenêtre
cachée parmi les arbres dans la cour arrière de quelqu’un. Il y a 12 autres
personnes avec moi dans la pièce. Ces personnes sont très différentes et n’ont
pas grand-chose en commun. Tout le monde discute chaleureusement. A ma droite il
y a une femme au foyer, dans les 45 ans un peu grassouillette, plus loin il y a
un épicier, un homme petit et corpulent accompagné de son épouse une femme
joviale et enceinte de son quatrième enfant. Il y a aussi un professeur
d’université, un homme mince avec des lunettes sans monture qui se caresse
nerveusement le menton. Plus loin il y a un autre couple, un jeune étudiant en
architecture et sa fiancée, une jolie blonde d’environ 20 ans. A côté d’eux il y
a un juriste et son épouse puis un homme plus âgé, un cadre bancaire. Près du
centre de la pièce, un jeune homme à la barbe bien taillée, il est psychologue
et discute avec une autre femme au foyer et une libraire dans la trentaine.
Soudain le carillon d’une petite pendule posée sur une étagère sur un mur sonne
les douze coups de minuit. Les conversations cessent immédiatement. Chacun se
lève et s’occupe des préparations. Un cercle de craie d’exactement neuf pieds de
diamètre est soigneusement tracé sur le plancher. Puis un autel consistant en un
vieux coffre avec des gonds en fer forgé est poussé au centre du cercle de
craie. Une bougie rouge est posée dessus ainsi qu’un encensoir, une coupelle de
sel et une coupelle d’eau, un morceau de corde, 12 couteaux, une longue épée
d’acier, une baguette et pour finir les 12 symboles personnels des participants.
Quatre chandelles de plus sont ensuite placées à la circonférence du cercle à
l’emplacement des coins imaginaires.
La femme au foyer un peu grassouillette, le Grande Prêtresse du culte, est
entrée dans le cercle de craie et lentement elle a retiré tous ses vêtements à
l’exception d’un collier et d’un gros bracelet de métal. Les 11 autres, suivant
son exemple, se sont entièrement déshabillés.
Elle a allumé l’encens dont l’odeur entêtante et musquée en remplit la pièce.
Elle a ensuite allumé la chandelle sur l’autel puis se servant de cette
chandelle elle a allumé les quatre autres bougies. Cela fait elle s’est servie
du sel et de l’eau des deux coupelles pour asperger le sol pour « purifier » le
cercle.
Les autres 11 personnes sont maintenant admises dans le cercle, une à la fois.
Chacun prend un couteau sur l’autel et se place, toujours nu, debout face à au
mur Est de la cabane où l’on peut voir d’étranges inscriptions cabalistiques
peintes juste sous les poutres du toit. La Grande Prêtresse a levé la grande
épée et récite une courte prière, une incantation, adressée aux « Puissances de
l’Est ».
La Grand Prêtresse a ensuite évoqué un « problème » pour la résolution duquel le
« pouvoir » sera utilisé. Cette nuit là cela concernera un homme vivant en
Californie, un parent d’un des membres présents, qui serait près de la mort. Le
groupe va diriger son « pouvoir » vers lui pour sauver sa vie – éloigner la
maladie de son corps et lui faire recouvrer la santé.
A ce moment on m’a demandé de quitter la pièce, car aucun étranger au culte
n’est autorisé à être présent lors de la pratique de certains rites. Lorsque
j’ai pu revenir dans la pièce, environ 15 minutes plus tard, les 12 participants
avaient joint leurs mains et formaient un cercle puis ont commencé à marcher
lentement autour de l’autel. En marchant ils ont commencé un chant étrange :
« Eko Eko Azarak, Eko Eko Zomelak, Eko Eko Ganamas, Eko Eko Arada ».
Puis ils se sont mis à trotter puis à courir. Ils courent toujours plus vite
dans la petite maison. Leur visage devient rouge à cause de l’excitation et de
l’effort physique. Le front et la poitrine du gros épicier étaient recouverts de
transpiration et il soufflait très fort. Le groupe atteignait maintenant le
moment le plus critique de la cérémonie. Ils créaient ce qu’ils appellent le «
pouvoir » et le concentrent vers l’homme malade en Californie.
Une fois encore leurs pas de course s’accélèrent. Maintenant ils se lâchent les
mains et commencent à sauter en l’air, tout d’abord des petits bonds, puis de
plus en plus haut, aussi haut que possible. Le groupe entre dans une confusion
totale, la pièce devient un pandémonium de corps nus qui sautent, plongent, se
mettent accroupis, foncent les uns contre les autres et se cognent même parfois
contre les murs ou contre l’autel au centre de la pièce.
Soudainement l’épicier pose ses fesses sur le sol et s’assied totalement
essoufflé. D’autres personnes suivent son exemple et sautent sur le sol en
faisant beaucoup de bruit. Encore une minute et tout le monde est couché ou
assis dans le cercle, en sueur, écarlate et épuisé.
Tout est terminé. « Le « pouvoir » a été généré, la tâche a été accomplie.
Lorsque tout le monde a retrouvé son souffle, la Grande Prêtresse, qui est aussi
l’hôtesse, sert des gâteaux et du vin. L’atmosphère de ferveur spirituelle et
d’abandon insensé est remplacée par une ambiance de discussions conviviales.
Vers deux heure du matin chacun a remis ses vêtements et rentre chez lui
satisfait d’avoir exercé ses pouvoir surnaturel et heureux de retrouver sa vie
de tous les jours jusqu’au prochaine rencontre du culte.
Cette scène s’est passée en septembre 1964 dans une banlieue de Londres. Les 12
participants pensent être des sorcières. Même s’ils ne portent pas de chapeau
pointu noir et qu’ils ne volent pas dans le ciel. Comme les sorcières des
anciennes légendes ils pratiquent la magie et célèbrent Hallowe’en qui est un
jour sacré dans leur religion. Leurs croyances et leurs rites de fertilité
secrets viennent directement du culte païen de la sorcellerie, une religion plus
ancienne que le christianisme lui-même. Même si le culte se propage en Europe
occidentale et même ici aux Etats Unis, pour le moment elle est surtout présente
en Angleterre. On sait qu’à Londres il y a au moins quatre groupes ou « coven »
comme on les appelle et il y en a bien plus qui apparaissent dans le reste du
pays. Les sorcières n’ont pas d’autorité centrale, les covens sont indépendant
les un des autres et chacun à ses propres pratiques particulières.
Les covens se réunissent une fois par mois lunaire, généralement le samedi, pour
pratiquer des rites qui sont en gros comme celui décrit plus haut. Ces
rencontres appelées « Esbats » se tiennent toujours dans le plus grand secret.
Quatre fois l’an, les sorcières célèbrent un rituel plus élaboré, appelé «
Sabbat », qui inclue entre autre chose, les cérémonies secrètes d’initiations
des nouvelles sorcières rejoignant le coven. Ces quatre jours sacrés sont : la
Chandeleur (31 janvier), la Veille de Mai (30 avril), Lammas (31 juillet) et
bien sûr Hallowe’en (31 octobre). Contrairement aux Esbats, les Sabbats, lorsque
c’est possible, sont célébrés en plein air, généralement dans une clairière dans
les bois où l’on peut allumer un feu de joie et danser autour.