Une Interview de Ray Bone

 extrait du numéro de juin 1964 « Lit-Bits » version française Tof


J’ai toujours essayé de ne pas mélanger ma vie privée et ma vie professionnelle, mais mon secret est connu et il m’importe peu de savoir qui est au courant.
Je suis sorcière depuis 30 ans et je m’occupe de personnes âgées depuis 10 ans et maintenant tout le monde parle de la sorcière qui dirige une maison de retraite.
Je pense que je dois mettre les choses au point.
Je réside dans un immeuble nommé « les Tours ». Le chaudron à l’entrée de mon appartement n’est qu’un bloc-porte, c’est une partie de ma vie.
Je ne suis pas que sorcière mais aussi une des trois Grandes-Prêtresses britanniques.
Le jour j’enfile mon uniforme de tweed, des bas épais, et la nuit je danse nue avec pour tout vêtement une jarretière à la cuisse gauche.
Laissez moi vous parler de mes deux vies…
Dans ma maison de retraite, j’ai la charge de neuf personnes âgées.
Dan mon appartement brûle de l’encens et des couteaux rituels sont posés sur un autel, les 12 membres du coven me suivent dans ma pratique.
Tout cela peut paraître bien étrange, mais en fait, mes deux vies se déroulent en parfaite harmonie.
Personne ne doit s’inquiéter pour les personnes âgées dont je m’occupe. A la maison de retraite, j’agis en fonction des pratiques médicales. Le Conseil de la Ville de Londres qui m’a donné l’autorisation d’ouvrir ma maison de retraite connaît mon autre vie et c’est peu de dire que je crains d’utiliser mes recettes sorcières à base d’herbe, mes sorts et ma magie pour soigner l’un de mes patients.
Je vais vous parler de l’un ou l’autre de mes patients – des personnes âgées qui ne sont plus.
L’une d’entre eux avait 84 ans et venait de Monaco. Elle prenait de la morphine depuis 40 ans. Je m’en suis occupée pendant 6 ans. Après sa mort, sa famille s’est trouvée à ce point satisfaite de la façon dont je me suis occupée d’elle qu’ils m’ont donné une enveloppe pleine d’argent. Une autre mamie m’a laissé à sa mort tout ce qu’elle possédait.
Un charmant papi de 85 ans m’a offert des anciennes pièces d’argent dont je me sers maintenant lors de cérémonies sorcières.
Mais un de mes plus grands trésors c’est une bague égyptienne qui a environ 2000 ans. Elle m’a été donnée par un de mes patients sur son lit de mort.
Les vivants se souviennent aussi de moi avec gratitude. Plus d’un me fait la plus grande confiance au sujet de ses affaires.
L’un d’eux a des biens et je collecte ses rentes…
Je ne pense pas que cela changerait grand chose s’ils savaient que je suis sorcière.
Toutes mes mamies et papis me font confiance. Je ne les embête pas en organisant mes rencontres sorcières à la maison, ce serait bien trop bruyant. Je me suis d’ailleurs souvent demandé ce que mes voisins des « Tours » pensaient de ces chocs dans la nuit. S’ils me posaient la question, je leur dirais que je déplace des meubles.
Mon coven se réunit dans le salon. Je sors tout de cette pièce, je dégage le cercle magique sur le tapis. Dresser l’autel n’est pas une chose facile. J'utilise un vieux coffre gigantesque sur lequel je pose mes couteaux rituels. Des sacrifices ? Jamais ! Les gens confondent les sorcières comme moi avec la Magie Noire. Ils disent que le vin rouge et les petits gâteaux que je partage avec les membres de mon coven ne sont qu’une parodie de la « Sainte Communion » Foutaise ! Ce sont des symboles des moissons et nous remercions les Dieux pour les grappes et le grain.
Il est vrai que nous nous sommes toujours nus lors de nos rituels.
Mais c’est parce que nous recherchons la pureté.
Nous ne portons pas de vêtements car ils amèneraient des particules impures dans notre cercle magique.
Notre cercle magique est purifié avec de l’eau salée. C’est un grand cercle tracé au début de chaque cérémonie. Il est tracé symboliquement avec l’épée sorcière, mais j’ai peint le mien sur le tapis pour gagner du temps.
Une fois que le cercle est tracé, la grande Prêtresse – c’est moi- asperge le tout d’eau salée. Vous pouvez qualifier cette eau salée d’équivalent de l’Eau Bénite.
Une fois que le cercle a été purifié de la sorte, aucun membre du coven ne peut y pénétrer s’il n’est pas nu car des éléments de notre vie ordinaire pourraient polluer notre magie.
S’il vous plait ne pensez pas que nous organisons des orgies sexuelles. Mon coven est composé d’hommes et de femmes d’âge moyen, le genre de personnes que vous pouvez rencontrez aux arrêts de bus.
Pour nous il n’y a rien de sexuel lorsque nous enlevons nos vêtements. Nous prenons cela très sérieusement et un candidat potentiel est évalué pendant trois mois avant que son acceptation ne soit mise au vote. Voilà comme nous sommes sélectifs.
Comme Grande Prêtresse du coven j’ai mon lot de lettres de détraqués. Mais j’ai pour eux une réponse toute faite – je leur écris et leur dit que c’est un psychiatre dont ils ont besoin et non d’une sorcière.
J’ai 52 ans et j’ai l’age de savoir ce que je veux, et la sorcellerie est ma religion, mais je ne l’inflige pas aux personnes âgées qui paient pour vivre dans ma maison de retraite.
Lorsqu’ils ont besoin d’une aide spirituelle, il n’y a pas d’abracadabra, je fais appel à un prêtre ou un ministre du culte de leur propre religion. Mais s’ils préfèrent mourir dans mes bras, je les réconforte du mieux que je peux.
Les cancans peuvent dirent ce qu’ils veulent, ils ont même appelé « le coin des sorcières » ma place préférée au pub du coin, mais je défie quiconque de trouver à redire à la manière dont je dirige ma maison de retraite.
Suis-je capable de diriger une maison de retraite ?
Bone l’infirmière ou Bone la sorcière ?
Je vous laisse juge.
Et si vous avez du mal à dormir cette nuit à cause de toutes ces histoires de sorcellerie, goûtez au chaudron de l’infirmière : deux cuillérées à café de miel dans du lait chaud, c’est un sédatif merveilleux… vous n’entendrez jamais les chocs dans la nuit.

 

Retour