Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  IX –  Sur le Chemin du Retour (4)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

La maison de Thur était vielle et plus grande que la plupart des autres maisons de la ville, elle était construite avec de grosses poutres de chêne et des pierres brutes de toutes formes, types et tailles, maintenues ensemble par un mortier de terre. Un étage saillait bien au-dessus de la façade inférieure, avec des gouttières profondes sous un toit de chaume. Un escalier circulaire en pierre construit à l’extérieur du mur du fond donnait accès à l’étage supérieur. L’étage supérieur était une chambre aussi grande que la maison, dont le sol était composé d’énormes madriers de chêne coupés dans la forêt voisine. Il y faisait chaud, sec et confortable (le confort de l’époque) elle était solide et bien isolée.

Derrière la maison il y avait un jardin en pente qui allait jusqu’au bord de l’eau. Le long de l’eau poussaient des saules et de l’osier. Il y en avait tant qu’au printemps les gens de la ville pouvaient en ramasser autant qu’ils en avaient besoin pour tresser des paniers, dont beaucoup étaient fabriqués et vendus sur le marché local.

Chaque année, le lit du ruisseau était nettoyé et dragué par des groupes d’ouvriers pour éviter les inondations et empêcher un ennemi éventuel de débarquer.

Du côté de chez Thur la berge du fleuve était gazonnée et il y avait six grosses ruches. Le jardin était couvert de plantes, de fleurs et de légumes qui poussaient naturellement dans la région. Voilà la maison où Thur est retourné accompagné de Morven. En descendant de cheval, ils ont accrochés leurs brides à un poteau. Morven regarda tout autour d’elle, elle a vu que l’allée se terminait en cul de sac à une quarantaine de mètres. Elle a vu aussi que le fleuve prenait un virage en angle droit à cet endroit et que le terrain attenant à la maison occupait tout le bord de l’eau. Ils n’avaient pas de voisins proches, ils étaient à l’écart de la ville, son jardin était entouré par un mur de trois mètres de haut crénelé au sommet, avec une porte solide. Par dessus ce mur, elle pouvait voir les toits d’une grange et d’une étable.

Ils se tenaient devant la grande porte en chêne, une porte très solide renforcée par des clous de fer qui empêcheraient un bélier de la défoncer et les trois fenêtres qui étaient à sa gauche, profondément ancrées dans le mur de quatre pieds, étaient trop étroites pour que même un enfant puisse y passer.

Bien que ces fenêtres soient hautes, elles commençaient à une trentaine de centimètre du sol et se terminaient presque en haut du mur, elles n’étaient pas source de faiblesses, car de solides volets, cloutés de fer comme la porte et fixés par d’énormes boulons, les protégeaient de l’intérieur.

A droite de la porte il y avait la boutique, un peu comme une grande baraque de marché dont l’ouverture avant était bloquée par un autre volet en chêne massif. Ce volet s’ouvrait vers l’extérieur, mais ses chevilles et ancrages avaient été fixés à l’intérieur. Ce volet était fermé pour le moment. Pendant qu’ils attendaient pour y entrer après avoir frappé à la porte, Morven a constaté avec satisfaction que la demeure de Thur était une véritable forteresse en miniature.

On a enfin déverrouillé la porte et elle a pu voir la pointe de l’énorme clef tourner silencieusement dans la serrure. Inexplicablement, les battements de son cœur se sont accélérés. Qu’allait-elle rencontrer de l’autre côté de la porte de la part des personnes de son propre sexe, l’hostilité qu’elle avait toujours connue ou une amitié inaccoutumée et de la sympathie ? Elle ferma les yeux et ses pensées avaient l’intensité d’une prière.  

Lentement, la porte s’est ouverte et une femme se tenait devant eux. Elle était grande et osseuse avec un visage inattendu, rond et joufflu, comme si elle avait la tête de quelqu’un d’autre sur son cou. Ses sourcils sont très courbés, et sous leurs demi-lunes exagérées il y avait une paire d’yeux gris clair qui jetaient un regard innocent sur un monde méchant. Elle semblait bizarre, son visage n’allait pas avec son corps, son regard étrange, et son caractère lui aussi étrange, elle semblait n’avoir aucune personnalité, être aussi terne et incolore qu’un morceau de pâte.

« Bonjour, Alice.

- Bon retour maître ! » le salua-t-elle, ses yeux se détournant de lui pour s’attarder sur Morven.

« Oui je suis de retour... et avec une enfant malade que tu pourras dorloter ... ma nièce et fille adoptive, Morven Peterson.

- Je ne savais pas que vous aviez une nièce » dit-elle toujours en inspectant Morven de la tête aux pieds.

Le cœur de Morven s’est emballé de plus belle.

« Il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas, bonne Alice » lui a dit Thur d’un ton léger mais avec un regard de réprimande.

Morven lui sourit tout en se demandant comment son sourire serait perçu. Soudain la femme devant eux a semblé prendre vie et s’épanouir. Son visage a pris des couleurs et s’est mis elle aussi à sourire de façon agréable à voir et réconfortante un  peu comme un beau feu lors d’une nuit de neige. « Entrez je vous prie, Maîtresse Morven, » dit-elle docilement, en ouvrant grand la porte, non sans effort. « Vous avez en effet l’air bien fragile.

- J’ai été très proche de la mort. Si mon oncle qui est si bon n’avait pas été là, je serais morte. Je ne suis pas encore remise, Alice.

- Oui, » a confirmé Thur. « Elle a attrapé la fièvre qui a tué ses parents.

- Oh il n’y a personne de la compétence de Maître Peterson. » a ajouté Alice.

- Tu vas te remettre ma fille. Alice y veillera » a assuré Thur à Morven et il a répété à Alice le récit qu’il avait fait à Byles, mais en y ajoutant quelques détails sur la vie de Morven ainsi qu’une anecdote sur sa jeunesse.

Alice fut flattée. Elle se demandait si l’arrivée Morven n’allait pas égayer sa propre vie. « La fille a bien de la chance de vous avoir, maître », dit-elle.

- C’est tout le portrait de sa mère, que Dieu ai son âme !

« Amen » a dit Morven en se signant.

« Amen » a répondu Alice en se signant elle aussi.

 

 

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