Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  IX –  Sur le Chemin du Retour (3)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Avec chaque kilomètre les rapprochant de la maison, Thur avait maintenant une bonne idée de la façon dont seraient les futures relations entre Morven et lui. Doit-il en faire sa compagne si ce n’est dans les faits au moins pour la façade ? Il l’aimait et il se serait volontiers marié avec elle. Cela étant il n’était pas d’un statut très élevé et il savait qu’elle aimait Jan et qu’un jour Jan se prendrait d’amour pour elle... si tout va bien. Pour cela, il devait agir avec sagesse pour eux deux. Maîtresse Bonder deviendrait quelqu’un d’important si Jan son chéri se proposait d’épouser celle que Thur aimait. Ses oreilles se recroquevillaient en prévision des objections volubiles et sonores qu’elle allait hurler.

Après un moment de silence, il s’est tourné à nouveau vers Morven. « J’ai une autre question à te poser ô Sorcière du Lac.

- Dites-moi maître magicien.

- Etes-vous ma nièce ou ma promise, Morven ? »

Elle a réfléchi un certain temps en silence.

« J’ai pour vous l’amour qu’a une fille pour son père, Thur, rien d’autre.

- Je le sais, sinon je t’aurais demandé d’être ma femme, mais si tu n’es pas ma nièce, les gens diront que tu es ma maîtresse.

- Je serais vraiment heureuse d’être votre nièce Thur si vous pensez que c’est ce qu’il faut faire. Si nous agissons ainsi est-ce que cela ne va pas faire naitre des questions ?

- Je suis plein de doutes, ce matin.

- Ne vous inquiétez donc pas mon ami. Réfléchissez. Si après nous êtres cachés dans les buissons, nous étions rentrés tout de suite chez vous, je vous aurais fais courir un triple danger. Les bonnes gens de St Clare, monseigneur l’abbé et Sir Walter Upmere ... tous auraient vu le miracle de la transformation d’une vieille sorcière en jeune fille devant leurs yeux. N’aurais-ce pas été pour eux une preuve de sorcellerie ? Ces gens n’auraient –ils pas recherché la sorcière ? Nous n’avions aucune chance d’échapper aux questions... puis à l’exécution. Mais le temps pendant lequel nous avons flâné sur la route du retour a restauré mon apparence et ma jeunesse et je ne ressemble plus à la vieille sorcière que vous avez sauvé.

- C’est ce que je vois, » a répondu Thur « Comme tu es maintenant, tu viens de te remettre de la fièvre qui a tué ta mère ...

- Ma mère ? » a-t-elle demandé.

« Oui. Il est préférable que vous soyez l’enfant de ma sœur, votre père est mort il y a longtemps lors des guerres. Comme médecin, je suis libre d’aller, sans obstacle ni question et je pense qu’ils vont accepter mon histoire sans réfléchir plus loin. Quand je suis parti j’ai parlé au fils d’un barbier, un jeune homme assez habile en matière de saignée qui a longtemps insisté pour devenir mon apprenti et il était assez heureux de jouer au médecin pendant mon absence.

- Alors il n’y a rien à craindre. Vous n’auriez pas pu mieux planifier cette histoire. » a dit Morven. Thur n’a rien répondu à cela et pendant un certain temps ils chevauchèrent en silence puis Morven a déclaré sans équivoque : « Jan aime Dame Jocelyn de Keyes. »

Thur a explosé de rire. « Amour d’adolescent, cela passera comme la neige d’hiver, sa pureté est glacée. Mieux vaut être le dernier amour d’un homme que son premier. »

Elle fronça les sourcils.

« Je pense que tu devrais vraiment bénir le jour où il a posé les yeux sur elle. Jan n’avait jamais regardé une femme comme il l’a regardée. Maintenant, il est réveillé, il peut voir. Bientôt, il regardera plus loin qu’elle... le rêve ... et il te verra, toi qui est la réalité. »

Elle resta muette pendant un temps, le visage sombre, l’esprit occupé par des pensées négatives et la jalousie qu’elle éprouvait vis-à-vis de la Dame de Keyes, revoyant son page vêtu de rouge, ses colifichets et son apparence chatoyante et insaisissable lors de la joute lorsque le soleil brillait sur le brouillard dans une prairie couverte de rosée.

Elle est restée comme cela jusqu’à ce que la voix profonde de Thur la sorte de ses pensées. « Stupidité, fille stupide ! Qu’as-tu à craindre ? Ce n’est pas comme ça que tu te prépareras pour les grandes choses qui nous attendent. »

Elle a rougi légèrement en entendant ces paroles et dit : « Quand pourrons-nous fabriquer le burin ?

- Dès que possible. Il y a beaucoup à faire ... mais paix ma fille, là-bas il y a St Clare en Walden. Maintenant chevauchons en silence. »

A la porte, le sergent grogna d’un ton bourru. Son visage était long, mince et étroit, presque entièrement recouvert de poils et, de ce buisson, ses yeux regardaient comme ceux d’un loup affamé. Ce regard s’attarda sur Morven. Inconsciemment, sa langue est sortie et a glissé sur ses lèvres rouge sang. « Eh bien, c’est Maitre Peterson qui rentre enfin et il n’est pas le seul » a-t-il dit d’un air morose.  

« Hélas, mon bon ami. Je ne m’étais même pas éloigné d’un kilomètre... je suis allé voir la femme de Matt le meunier, elle a accouché de jumeaux, mais tu dois le savoir...

- Non, je ne savais pas » a-t-il répondu.

« Tu le sais maintenant. Eh bien, à peine un kilomètre plus tard je suis tombé sur un homme qui se hâtait pour me faire venir au chevet de mon frère qui avait une très grosse fièvre.

- Et ? » a marmonné l’homme qui avait beaucoup bu la nuit précédente et qui semblait avoir vraiment mal à la tête.

« Oui, à Londres ... il est mort dans mes bras, et là sa fille, Morven s’occupait de sa mère que son père avait contaminé. »

L’homme a vaguement salué Morven, qui lui sourit, un sourire qui resta longtemps dans sa mémoire à l’agacer de façon lancinante. « Je vous souhaite la bienvenue, Maîtresse Morven » a-t-il dit. « Une jeune fille séduisante est trois fois la bienvenue. Dans ce trou dans les bois oublié de dieu, les femmes sont laides comme le péché, aussi vieilles que Satan et aussi rassies que les mauvaises herbes qui poussent au bord de l’étang. »

Thur a ri. « Ne soyez pas aussi cynique sergent Byles ! Bonne journée à vous ! » et ils se sont éloignés.

« Nous sommes en toute sécurité » a soupiré Morven alors que les chevaux avançaient entre les nids de poule de l’unique rue de la ville et elle regarda autour d’elle avec empressement pour voir sa nouvelle maison.

St Clare était bien située entre les terres boisées. Des bandes de forêt avaient été défrichées pour l’agriculture et de nombreux moutons étaient élevés dans la région. C’était un lieu où il y avait des petits ruisseaux qui se jetaient dans le fleuve qui allait jusqu’à la mer située à une soixantaine de kilomètres. Ce n’était pas une ville fortifiée, elle était entièrement entourée par un fleuve, dont les méandres étaient si tortueux qu’ils formaient une bonne protection. La maison de Thur était situé sur les rives de ce fleuve qui coulait dans des prairies fertiles où le bétail de la ville était mis en pâtures et où les habitants se promenaient lorsqu’il faisait beau : Là où le fleuve était rejoint par une rivière il y avait un moulin dont la roue tournait agréablement année après année.

 

 

 

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