Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  VII –  Ils arrivent à Londres (3)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

« Par tous les saints ! Avez-vous déjà vu une telle beauté ? » a demandé Jan à Morven qui lui a répondu : « Oui, souvent. Elle est juive ? Vous ne pensez pas ?

- Elle n’a pas le teint d’une juive mais elle a un teint merveilleux que je n’avais jamais vu dans tous mes voyages. »

Ils ne le savaient pas, mais la dame était en réalité irlandaise et était couleur safran, et étant bien mariée, elle semblait sur le point de mettre en pratique le proverbe de son pays qui dit : ‘Personne ne passe à côté d’une tranche de pain coupée.’

- Si j’étais son seigneur, je garderais un œil sur le page » a ajouté Thur. « Non, je n’aime pas tous ces étalements de mauvais goût chez un homme. Si c’était mon page je lui sonnerais les cloches et lui apprendrais à ne pas flirter avec ma dame.

- Moi aussi » a dit Olaf car il l’enviait et espérait lui aussi avoir bientôt une telle vie, mais avec une différence. Il ne pouvait s’imaginer coiffé de la sorte ou avoir de telles manières.

« Je parle de la dame » leur a dit Jan avec tant d’ardeur que Thur éclata de rire.

« Oh, elle ! » s’exclamée Morven de façon provocante.

« N’est-ce pas une merveille ?

« Une merveille de malheur, la coquine basanée ! Si j’étais son seigneur je la coucherai sur mes genoux pour lui apprendre où regarder et ma main lui montrerait le chemin. »

Thur éclata de rire en y pensant et Jan fut offensé de la crudité de ses paroles. Ils ont continué leur chemin, entendant toujours le cri du fauconnier, les yeux fixés sur deux taches lointaines haut dans le bleu, l’une semblant rattraper rapidement l’autre. « Pauvre oiseau » soupira Morven « je ne sais de qui j’ai le plus pitié, du héron ou du seigneur. »

Alors qu’ils s’approchaient de la ville ils rencontraient toujours plus de personnes qui se promenaient sous le soleil de printemps et arboraient leurs beaux habits neufs, achetés pour Pâques. Bien que leurs vêtements aient à peu près tous les mêmes coupes, ils ont noté la diversité, la richesse et la couleur des matières utilisées ainsi que la beauté de la conception des broderies et des bijoux. Les citoyens de Londres étaient indubitablement très riches et aimaient le montrer. Chaque apprenti et serveuse folâtrait et s’amusait sur les larges bords gazonnés de la route, arborant de beaux rubans ou un macaron brodé d’une guilde ou de maîtrise.

« Lorsqu’on sera chez nous cela nous semblera bien triste après avoir vu ça » déplora Jan en traversant Holborn.  « J’aimerais être déjà à la maison. »

« Faisons demi-tour alors » s’écria Thur et Jan l’a rejoint dans son rire, mais il se consolait dans sa grande détermination à reconquérir tout ce que son grand-père avait perdu. Lui aussi aura ce qu’il y a de meilleur... un jour, et, pour la première fois dans sa vie Olaf lui aussi réalisait tout ce qu’ils avaient perdu et que jusque-là il considérait, secrètement, sans importance. Son amour pour toutes les choses de la nature, sa vie, sa beauté et sa variété, avaient été pour lui une compensation pour l’inconfort et les privations de leur vie, qui sans trop y réfléchir, lui avait semblé être le lot de tous et donc inévitable. Maintenant, il avait vu une autre facette de la vie caractérisant cette ville riche et gaie. Il avait imaginé Londres, mais pour lui ce n’était qu’une ville comme la leur, St Clare, en plus grand... mais que les deux villes étaient différentes! St Clare in Walden était d’abord dominée par l’Eglise, représentée par la grande abbaye située à vingt cinq kilomètres, et ses annexes, l’Abbaye de  Chipley et le prieuré de religieuses à l’extérieur de la ville. St Clare était aussi sous l’emprise d’Esquire Walter Upmere, l’homme de main de Fitz-Urse. A cause des exactions combinées de l’Eglise et de leur seigneur, St Clare a été totalement pillée et affaiblie. Le seigneur abbé était un jouisseur instruit, ne cherchant que son aisance et son plaisir. Esquire Walter n’était lui-même qu’un rustre, bourru, illettré et indiscipliné, à moitié fermier et à moitié soldat, mais totalement voleur, il régnait sur la ville avec une main de fer dans un gant de triple airain. Son apparence était toute simple et il n’était pas aussi bien vêtu que Thur.

C’est pourquoi les frères Bonder étaient tous les deux très étonnés de constater que leur petit monde n’était qu’un grain de sable dans un sablier, comme la cinquantaine d’autres villes équivalentes dispersées à la surface de l’Angleterre. Dans cette grande ville, habitait le roi avec sa cour et la vie était bien au-delà de ce que pouvaient imaginer les gens vivant à St Clare. Olaf pensait que le monde où il était né était en effet bien étroit et qu’ici l’espace était bien plus vaste.

Ils sont entrés dans Londres par la Nouvelle Porte et Olaf ne voyait que gaieté et indépendance chez ceux qui étaient dans cette ville. Ils semblaient ne pas s’intéresser aux autres, ne rien craindre, comme s’ils avaient tous droit à ce que les plus grandes richesses pouvaient offrir.

Quand monseigneur l’abbé venait à St Clare, les bourgeois s’alignaient et attendaient son passage la tête baissée devant ses trois doigts levés. Si Esquire Walter venait, il avait la rue pour lui tout seul, les bourgeois semblaient sentir son odeur dès qu’il décidait de quitter son château et ils ne revenaient que lorsqu’il rentrait chez lui. Seuls les frères et les soldats riaient publiquement et chantaient des chansons à St Clare. Ici pourtant il y avait de nombreuses personnes le long d'une rue étroite, certains étaient à la recherche d’une auberge. Face à eux arrivait une dame dans sa litière, escortée par son mari et sa suite de six serviteurs qui marchaient devant et derrière, tous vêtus de vêtements riches et gais qui semblait si courant ici. Mais les gens n’étaient pas debout humblement à céder le passage à ceux qui leur étaient supérieurs, et les serviteurs devaient se frayer un chemin à travers la foule, ce qu’ils faisaient avec bonne humeur. Ce n’était que quand la litière et la dame étaient aperçues par hasard que les gens se poussaient de côté en faisant des commentaires sur la beauté de la passagère, qui souriait et les remerciait poliment pour leur courtoisie.

 

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