Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  VII –  Ils arrivent à Londres (2)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

« C’est une merveille ! » a dit Morven en brisant le silence dans lequel ils s’étaient plongés en admirant le spectacle. « C’est vraiment le symbole de Dieu. Pourquoi est-ce que l’Eglise ne peut pas être aussi sainte et gracieuse dans ses actes envers les hommes qu’elle se manifeste dans ce grand temple ?

- Ce n’est pas l’Eglise ! » a ironisé l’aîné des frères Bonder avec un mépris suprême. « C’est le maître-maçon et les hommes qui l’ont construit sous ses ordres.

- Non, il y a plus que cela. C’est le regard avec lequel nous la voyons et la grandeur de la vision dans l’esprit du maître-maçon avant même qu’il ne commence la construire. »

Jan le regardait sans comprendre, alors que Thur souriait de satisfaction et que Morven approuvait de la tête. Même à cette distance, la ville ressemblait un mélange de couleurs légèrement floues au milieu de la verdure. Ils ont pu voir le soleil briller sur la surface de nombreux petits cours d’eau qui coulaient dans les prairies et de nombreux petits moulins qui tournaient, alors que des bosquets brisaient ici et là la ligne d’horizon avec leurs ombres douces. La vue était belle et réconfortante.

A l’auberge où ils ont dîné l’ambiance était bonne et de nombreuses personnes s’adonnaient aux commérages. Il semble que les londoniens avaient l’habitude de se promener dans les prairies autour de leur ville et de se détendre dans les auberges. Dans leur propre régions autour de St Clare in Walden, les gens étaient taciturnes et austères et ne souriaient que rarement, mais ici les gens étaient joyeux et une blague osée les faisait rire, ils chantaient facilement de nombreuses ballades. Certains étaient gais, d’autres tristes, mais ils chantaient tous avec les autres ce qui surprenaient Jan et Olaf. Leurs vêtements de paysans étaient très colorés (surtout ceux des femmes) et leur discours ne l’était pas moins. Chaque village semblait avoir ses propres joueurs de cornemuse et son groupe de danseurs et seules les vieilles femmes semblaient se contenter de rester assises à tricoter du côté ensoleillé de leur maison.

Mais dans les villages il n’y avait partout un air de contentement car les conditions de vie y étaient ici aussi pitoyables et misérables, comme dans la plupart des régions d’Angleterre, mais ils avaient une gaieté générale et une propension à profiter des bons côtés de la vie, à rire  pour oublier ses problèmes et être gai lorsque le soleil brillait. En effet, il y avait partout une joie quasi païenne sous ce soleil qui brille et réjouit toute la terre. L’hiver était vraiment passé et on commençait à entendre le chant des tourterelles dans tout le pays.

Après le dîner, ils sont passés par Finchley, St Pancras et Bloomsbury où ils ont rencontrés de vastes prairies parsemées de toutes sortes de primevères le long de petits ruisseaux ainsi que les moulins qu’ils avaient surplombés lorsqu’ils étaient dans les bois de Caen. Les haies étaient parsemées d’aubépine et les lourds parfums se mélangeaient au murmure de l’eau qui coulait, au clapotis des roues des moulins, le soleil brillait dans un ciel sans nuages et la terre entière semblait être atteinte par la lumière, les sons et les odeurs. Pas étonnant que les gens se promènent dans ces prairies se disait Olaf qui semblait découvrir la vie. Puis ils sont arrivés en un lieu où des fleurs à l’odeur d’amandes laissaient la place à une rangée d’ormes, ils avaient une meilleure vue sur la ville et côtoyaient certains des habitants de cette ville.

Un très beau seigneur avec sa dame, leurs serviteurs et tout une belle compagnie chassaient au faucon. La dame portait son faucon, capuchonné et tenu à la longe, à son poignet. Un oiseau était dans les airs, à la poursuite d’un héron qui avait pris son essor du bord du ruisseau. Le fauconnier était là, un cadre sur lequel étaient perchés quatre autres faucons, également capuchonné, était suspendu à son cou. La dame était jeune, son seigneur bien moins, mais c’était un vrai dandy qui s’efforçait de vivre avec sa femme dans la truculence et la jeunesse qu’arboraient ses vêtements. Sa tunique vert clair était chargée de broderies rouges et or tout comme son manteau, alors que ses braies, coupées très court s’arrêtaient au niveau des genoux comme une jupe, elles étaient faites du même tissu à damier que la doublure de son manteau. Il portait des chaussures brunes en cuir souple et des guêtres également brodées de rouge et d’or. Il portait un bonnet phrygien, assorti à ses chaussures, se terminant par un pompon. C’était un personnage imposant et remarquable, avec ses vêtements beaux et gais, sa barbe frisotée et ses cheveux bouclés au dessus des oreilles. Les visiteurs venant des campagnes le regardaient avec une certaine admiration car ils ne connaissaient que les vêtements sobres et pratiques mais il ne faisait pas semblant de ne pas les voir ni même d’être offensé par leurs regards.

La dame était d’une grande beauté, un fait qu’elle n’oubliait pas une seconde. Ses cheveux étaient aussi sombres que la nuit, elle avait une peau de pêche et de très grands yeux, insondables comme une mare en hiver. Ses cheveux étaient d’une beauté comme on en voit rarement, tressés et enroulés lourdement sur ses oreilles, sans les cacher mais en les mettant en valeur. Un fin filet d’argent constellé de joyaux pâles enserrait ses cheveux et un bijou en argent ornait son front.

Sa robe était coupée dans un tissu jaune et brillant parsemé de pois en argent, ses plis volumineux étaient resserrés autour de sa taille par une ceinture en pierreries. Elle avait un grand décolleté et un manteau gris et argent avec une doublure en belle fourrure blanche.

Jan regardait subrepticement cette charmante vision avec un étonnement total. Jamais il n’avait imaginé une chose pareille. Le visage ingénu de Morven montrait qu’elle aussi elle avait vu la dame. Pas un détail de cette vision fascinante n’échappait à son examen critique. Mais le tableau n’était pas complet sans leur page et ce fut lui que les yeux d’Olaf fixaient. C’était un jeune homme de dix-huit ans, grand et vêtu de la tête aux pieds de vêtements pourpres brodés d’or. Il portait un bonnet pointu et ses cheveux blonds tombaient en boucles sur ses épaules. Il marchait prudemment dans ses souliers pointus comme si l’herbe fleurie était un outrage pour ses semelles. Il parlait d’un discours hésitant, comme si les mots qui viennent d’eux-mêmes n’étaient pas assez bien pour sa langue. Bref, il était insupportable. Son seigneur le traitait avec un mépris affectueux mêlé de bonne humeur, comme s’il était trop jeune pour être pris au sérieux, mais sa maîtresse n’avait d’yeux que pour lui et chaque fois que l’occasion se présentait (c’est-à-dire souvent, son seigneur étant très occupé par les faucons) ils échangeaient des paroles à voix basse et échangeaient des regards amoureux.

 

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