Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  VI –  Ils Quittent la Forêt (1)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

C’est ainsi que passèrent deux nuits pénibles.

Le troisième matin de leur aventure, ils se sont cachés dans l’une de ces cachettes accueillantes dans les bois. Leurs chevaux étaient fatigués, car ils avaient chevauché longtemps la nuit précédente. Il était environ huit heures ce matin et ils s’étaient bien nourris de lapins rôtis sur un beau feu. Ils étaient maintenant repus et fatigués. Ils se sont vautrés sur un lit de thym, se prélassant au soleil, avec la symphonie de la forêt dans leurs oreilles.

« Je ne demande pas plus que cela de la vie » a dit Olaf en se couchant sur le dos pour regarder le ciel.

« Oui, c’est une magnifique journée de congés », a convenu Jan, « et mère aurait beaucoup à en dire. »

Vada regardait ceux qui parlaient, elle semblait sur le point de dire quelque chose, puis elle se ravisa.

Jan lui sourit. « Pourquoi les femmes rouspètent-elles toujours ? » a-t-il demandé.

« Est-ce que ta mère rouspète ? » s’enquit-elle.

Jan a hoché la tête Thur s’en est mêlé : « Normalement non. Il n’y avait pas de fille plus belle et plus charmante lorsqu’elle a épousé votre père, il avait bien de la chance.

- Trop de travaux aigrissent une femme » a dit Vada « Sans l’aide d’un homme pendant toutes ces années ...

- C’est pour ça que je veux retrouver notre héritage » l’interrompit brusquement Jan, « mais elle essaie vraiment de m’en dissuader. C’est ce qui cause la moitié de nos disputes, je ne cherche que son bien être, mais elle n’en veut pas.

- Parce qu’elle a peur pour toi et Olaf et parce que tu cherches à lui faire avoir une vie étrange qu’elle n’apprécierait pas.

- Vada comprend cela », a dit Thur. « L'Église lui offre une vie de contentement et de travaux pénibles et comme elle est pieuse, elle obéit. Son père ayant toujours vécu ainsi elle ne connaît pas de vie meilleure. Ton père n’était pas un seigneur quand il l’a courtisée et épousée, mais un homme d’arme un peu rustre avec peu d’argent dans sa poche. Comment peut-elle comprendre ton malaise et ton ambition, Jan ?

- Mais j’aimerais qu’elle cesse de rouspéter, » a maintenu Jan obstinément, « et quant à mes projets, ce sont les miens et je vais continuer.

- Je n’aime pas les disputes, mais elle doit avoir une bonne raison. Pendant que nous nous reposons tranquillement, elle travaille à notre place pour nous nourrir l’hiver prochain. J’aimerai pouvoir être à deux endroits à la fois... ici, où je suis bien et là-bas pour aider ma mère. »

Ils ont ri et Olaf a roulé pour se coucher sur le ventre et observer un insecte dans le thym et a ajouté: « Mais je jure par tous les saints, je travaillerai deux fois plus dur, non, trois fois, quand je serai de retour.

- Mais ce n’est pas pour tout de suite » ajouta Thur alors que Vada souriait aux trois hommes.

« Bon » a ajouté Thur en riant franchement, « ce sera tant pis pour toi quand tu t’y mettras. »

Les deux garçons ont acquiescé et Olaf dit en haussant les épaules : « mais pourquoi devons-nous attendre, Thur ?

- Pour notre sécurité. Réfléchis ! Nous avons commis le crime le plus grave contre l'Église ... nous avons empêché son action et apporté aide et réconfort à celle qu’elle considère comme une sorcière et qu’elle ne cessera jamais de poursuivre. Le mot sera passé dans toute l’Angleterre chrétienne d’abbaye à abbaye et ses messagers voyageront rapidement et directement, alors que nous devons aller lentement et par des voies détournées. N’est-ce pas, Vada ?

- En effet vous dites la triste vérité » confirma-elle avec la plus haute gravité. « Non seulement je cours de très grands risques, mais vous aussi parce que vous m’avez apporté aide et réconfort. Leur traque ne va se relâcher, et ils n’auront aucune pitié si nous sommes attrapés. Autant nous pendre aux arbres là-bas et en finir.

- Pas du tout ! » a protesté vaillamment Jan. « Je ne me pendrais pas pour une femme et encore moins pour l'Église. Je me cacherais plutôt au fond des bois et j’y vivrais pour la dépouiller chaque fois que je pourrai.

- Et moi » dit Olaf, « aucune femme ne me fera désespérer, la Mère Église ou une autre. Mais je crois que la Sainte Vierge sera notre protectrice. Elle est une vraie mère et elle a une grande compassion pour tous les enfants de la terre, qu’ils soient pécheurs ou non.

- Ta foi est comme toi, mon garçon et elle sera notre protection, mais moi je n’ai pas ta foi.

- Moi non plus » a dit Jan.

Vada a dit à voix basse : « Je n’ai que faire d’une foi. »

Le regard de Thur était miséricordieux lorsqu’il a répondu : « Cela te passera ma fille, n’aie pas peur. Lorsque tu iras mieux tu oublieras et tu seras heureuse et en paix. En ce qui concerne les risques que nous courons je me fie à mon esprit et à ma ruse. Olaf va prier pour nous et il nous soutiendra par sa foi, mais je vais réfléchir à la suite de notre fuite. Considérons maintenant notre situation. Je pense que depuis que nous avons quitté Wanda, personne ne nous a remarqués. Nous avons observé les routes toute la journée et personne n’est passé devant nous, dirigeons-nous maintenant vers Londres.

- Londres ! » ont crié les trois autres.

« Oui, à Londres. C’est le seul endroit où des gens peuvent disparaître dans la foule et ne pas être remarqués, et de plus, je dois être vu sur la route de Londres. Lorsque j'ai quitté la maison j’en ai parlé pour expliquer mon absence. Un homme ordinaire doit aller où il dit qu’il va. Ne sachant pas où j'allais ni pendant combien de temps je serais absent, j’ai du raconter une histoire plausible et j’ai dit que j’allais m’occuper d’un frère malade à Londres.

- Londres ! » a dit Vada avec nostalgie. « J’aimerai voir Londres.

- Oui, ma fille et il le faut car si on te pose des questions, tu dois être capable d’en parler tout comme moi je dois savoir ce qui s’y passe. Vous allez maintenant tous m’attendre ici, on dirait qu’il y a un grand village pas loin, je vais y aller à cheval et essayer d’acheter des vêtements de femme pour Vada.

- Des vêtements de femme ! » s’est écrié Jan

- Elle ne peut pas vivre pour le reste de sa vie déguisée en homme. C’est un bon déguisement la nuit ou à une certaine distance, mais tous ceux qui ont des yeux pour voir verront en se rapprochant d’assez près que c’est un déguisement. Vada doit à nouveau redevenir elle-même et c’est là réside le danger, pour elle comme pour nous ! Souvenez-vous, la moindre erreur peut nous trahir et nos ennemis sont implacables et rusés et ils savent que nous sommes vivants et que nous chevauchons quelque part.

Nous arrivons dans une région très peuplée et on nous remarquera si nous voyageons de nuit ou si nous nous cachons la journée et je pense qu’il serait mieux que demain nous chevauchions à la vue de tous, comme si nous étions d’honnêtes voyageurs.

- Oui », a dit Jan, « mais si quelqu’un pose des questions au sujet d’un groupe de quatre voyageurs ? C’est un nombre significatif.

- Je peux peut-être aider », a déclaré Vada : « A la campagne, la plupart des gens qui nous voient doivent être ‘de la fraternité’. Portons tous un morceau de tissu blanc derrière nous, comme des queues de lapins.

- Dans quel but ? » a demandé Thur.

« Tout frère qui nous verra porter une telle queue saura que nous souhaitons voyager invisibles et même sous la torture il jurera qu’ils n’a vu que quatre lapins sur la route. Il y a longtemps, nous avons constaté que si un homme jurait sous la torture qu’il n’avait rien vu, ses yeux le trahissaient, mais, s’il croyait que de façon mystique, nous sommes transformés en lapins, il maintiendra qu’il n’a vu que des lapins et cela jusqu’à sa mort ! C’est étrange mais c’est comme ça.

- Ça ne nous coutera pas grand-chose que d’essayer, Vada, » a dit Thur « nous sommes donc d’accord ? Donc plus de voyages nocturnes pour nous, mais demain nous galoperons au vu et au sus de tout le monde. »

Et c’est ce qu’ils firent.

 

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