Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  V –  L’Aide de la Lune (4)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

  

« A quoi auraient pu servir nos rites si ce n’est faire tomber la pluie lorsqu’on en avait besoin et que le temps soit beau pour la récolte ? Quand le soleil était au plus bas, nous avions une Danse de la Roue où tous dansaient dans un cercle avec des torches pour montrer au soleil comment revenir, vaincre l’hiver, monter haut dans le ciel et faire revenir l’été.

Il revenait toujours et les récoltes étaient bonnes. Nous ne voulions que la convivialité et la  fraternité avec tous, riches et pauvres, en toute simplicité, car comment peut-on mépriser celui avec qui on a dansé nu la veille ? Mais peu à peu tout a changé. Le noble méprisait le commerçant et le commerçant méprisait ceux qui étaient moins riches et prospères que lui même les plus pauvres parmi ceux qui vivaient en ville se sont mis à mépriser ceux qui vivaient à la campagne et n’allaient jamais à l’église, allant jusqu’à les traiter de troupeau. Nous, qui n’avions pas beaucoup d’argent, n’en n’avions pas besoin. Quand un homme allait se marier, les frères se rassemblent et lui bâtissaient une maison, oui, et lui fournissaient tout ce qui est nécessaire. Mais quand le mépris a pris le pas sur l’amour, l’aide est devenu plus rare ou alors il fallait payer. De plus en plus, on avait besoin d’argent.

L’Eglise s’est développée, et avec elle il y a eu toujours plus d’impôts et de taxes et on entendait partout ‘Repentez-vous et abandonnez les mauvaises voies.’ Puis l’Eglise a propagé des mensonges, racontant que lors de nos fêtes nous mangions des bébés non baptisés, de sorte qu’à chaque fois qu’une pauvre âme était enceinte, elle était harcelée pour qu’elle s’empresse de porter le bébé au prêtre pour le faire baptiser Comme elle avait peur, il lui soutirait de l’argent, toujours plus d’argent, avec la promesse qu’en plus elle n’accepterait jamais que son mari fréquente nos réunions. C’est pourquoi il y avait toujours moins de monde à nos rencontres.

- C’est bien leur genre, » a dit Jan « Qu’en pensez-vous, Thur ? »

Thur n’a pas répondu immédiatement. Il a dû réfléchir quelques instants avant de répondre, puis il a dit : « Il me semble que la Sainte Église est gonflée d’orgueil et de richesses. Elle a volé les riches et les pauvres dans son avidité de pouvoir, elle a détruit l’amour, que prêchait et enseignait son Maître et l’a remplacé par la peur de l’amour.

- Vous avez bien résumé ma pensée » a répondu Vada.

« La concision est la substance de toute chose et elle parle plus facilement à la compréhension, lui dit-il doucement.

« La peur ! Voilà la substance du problème ici. Le seigneur du manoir craignait l’Eglise et craignait de laisser un de nos frères avoir des terres où vivre, de sorte que lui et les siens étaient exclus et affamés. Nombre furent ceux qui ont été tentés de chercher de l’aide à l’Abbaye. On leur prêtait de l’argent et ils devenaient esclaves de l’Eglise. Tout homme peut gagner les faveurs de l’Eglise en portant une accusation de sorcellerie, peu importe contre qui. Il y a ainsi eu de nombreuses injustices, de nombreuses rancunes et de nombreux vols. Plus d’un noble ou riche marchand a été dépouillé de tout ce qu’il possédait et a dû renoncer à la vie qu’il avait et ses biens étaient partagés entre l’accusateur et le persécuteur ... mais la Mère Eglise obtenait toujours les neuf dixièmes du butin. Mère Eglise !» Elle cracha son mépris.

« Nous avons donc déclinés et nos rencontres sont devenues incroyablement dangereuses et donc de plus en plus secrètes. Puis les marins ont apporté la peste à Hurstwyck. Beaucoup sont morts, beaucoup sont devenus fous de peur et ont attrapé encore plus facilement la peste. Ma mère s’est occupé des malades nuit et jour, sans jamais se reposer. Elle en a guérit beaucoup, et, pendant qu’elle soignait les malade... ils l’ont emmenée. » Il y a eu un long blanc avant qu’elle ne rajoute d’une vois si faible qu’ils l’ont à peine entendue : « Elle est morte.

- De la peste ? » a demandé Jan.

« Non, le feu. Mère l’Eglise l’a prise, ma mère, et ils m’ont forcée à regarder la brûler : Deux moines me tenait entre eux, pendant qu’un me faisait garder les yeux ouvert... avec des épingles. »

Il y a eu un silence attristé et à ce moment les premiers rayons du soleil levant ont traversés la forêt éclairant les arbres autour d’eux c’était d’une beauté indicible. Pourtant, ils frissonnaient, le contraste entre la beauté de ce moment et l’obscurité des actes horribles dont l’homme se rendait coupable était trop effroyable.

« Et vous ? » a enfin osé Olaf.

« Ils m’ont épargnée car je n’avais alors pas encore seize ans, mais ils m’ont mis à la question. 

- Ils ...»  Jan faiblissait.

Elle hocha la tête. « Oui, mais je n’ai pas parlé et ils m’ont emmenée en ville et jetée en prison. Il y avait de nombreux malheureux et ils nous auraient tous brûlé tôt ou tard et nous attendions ce destin pendant quelques semaines. Puis, une nuit, un frère de notre foi est venu, il me connaissait. Son nom était Peter. Il y avait une petite fenêtre avec un barreau en fer à travers laquelle nous avons parlé. Il a promis de revenir la nuit suivante. J’étais très maigre et en poussant et en tirant, ce qui m’a arraché mes vêtements (et beaucoup de peau) il a réussi à me tirer à travers les barreaux. Nous avons chevauché toute la nuit en nous cachant la journée comme nous le faisons maintenant et Peter m’a amenée avec lui à Wanda. Mais lui aussi a attrapé la peste, il est tombé malade et il est mort.

- C’était il y a longtemps ? » a demandé Jan.

« Il me semble que ça c’est passé il y a très longtemps, mais en réalité ... seulement trois ans. »

Jan a ouvert tout grands les yeux et son visage s’est empourpré, mais elle s’est tue dignement et personne n’osa dire quoi que ce soit.

Lorsqu’ils reprirent leur conversation c’était pour parler de leur voyage et des perspectives d’évasion. « Ils doivent être très perplexe, » a dit Thur. « Personne ne nous a vu depuis que nous avons réussi à fuir. Nous avons disparu sans laisser de trace.

- Le diable a aidé notre fuite et nous a envoyé en enfer » a déclaré Olaf.

« C’est ce qu’ils vont dire, sans aucun doute » a dit Jan en haussant les épaules avec mépris « et l’histoire sera répétée par chaque moine aviné dans chaque monastère d’Angleterre. »

Et c’est bien ce qui s’est passé.

 

 

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