Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  III – A la Recherche d’une Sorcière (2)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Ils chevauchaient ainsi dans la campagne sous un beau le soleil de mai, ici et là un taillis malingre s’élevait à l’horizon et hurlait pour protester contre les vents dominants. Il ne leur a pas fallu longtemps pour atteindre la fin des zones cultivées et s’approcher de la grande forêt qui à cette époque s’étendait sur une bonne partie de l’Angleterre. Une large piste herbeuse la traversait vers le nord et passait sous les branches des grands arbres, tandis que, au loin vers la droite, la rivière s’écoulait jusqu’à un lac, qui se trouvait à environ soixante cinq kilomètres plus à l’est.

Dans l’herbe on trouvait des primevères, des violettes, des jacinthes et des anémones, et le murmure des tourterelles créait une musique où seul le bruissement d'un faisan surpris rappelait que l’homme était une menace pour tous les animaux sauvages dans ce lieu chargé de parfums.

C’est ce que pensait Olaf dont les yeux alertes ne rataient rien de ce qui l’entourait. Ils se sont tus comme le font habituellement les hommes dans les forêts, car il y a une atmosphère sombre et hostile à proximité d’arbres qui rampent là où la Nature est en lutte ouvertement et secrètement contre l’humanité, et la tristesse, si ce n’est la mélancolie, est susceptible de s’abattre sur le voyageur quand il se sent intrus en un lieu secret.

Chaque homme était préoccupé par ses propres pensées. Thur par son succès inattendu en magie ... c’était un homme qui réfléchissait beaucoup et qui faisait consciencieusement son devoir et tout son possible pour soulager les souffrances comme doit le faire un bon médecin. Mais maintenant, une porte s’était ouverte devant lui, une porte qui jusqu’à présent était restée fermée et en passant par là il pourrait parvenir à un tel pouvoir que rien que d’y penser, cela déclenchait une excitation au fond de son cœur, une excitation comme il n’en avait jamais connue jusqu’à présent. Ce pouvoir était là, devant lui, dans une série de paysages enivrants. Il était comme un connaisseur savourant savamment et délicatement. Pourtant Thur n’était pas introverti et rapidement il s’est intéressé à ses compagnons silencieux.

Que la différence entre les deux frères était grande. Jan était perdu dans des rêves de grandeur, il était possédé par le désir non de se tailler un grand avenir par lui-même, mais de récupérer une fortune qui lui permettrait de s’élever à une place qu’il n'avait pas gagnée. Ces souhaits qui ne se réalisaient pas, paralysaient son esprit, il ne pensait plus qu’à ça. Thur aimait Jan comme un fils, il savait qu’il ne trouverait plus le repos avant d’avoir fait tout son possible pour aider le garçon à atteindre ce but presque impossible, pour que Jan soit débarrassé de son obsession et puisse avoir une vie normale et en en bonne santé.

Quant à Jan ... sa tête était pleine de questions. Qui était cette sorcière? Allaient-ils la trouver? En quoi cela allait-il les aider? Qu’avait Thur à l’esprit? Est-ce que leurs expériences n’étaient que fantaisies sauvages? Ces pensées trottaient dans sa tête comme des écureuils en cage.

Et Olaf, si conscient de ce qui l’entourait, souhaitait que Jan puisse oublier pour quelque temps son grand-père et tout ce qu’il représentait et ne représentait pas, et ainsi laisser son esprit profiter de ce beau jour de mai.

Olaf aurait aimé être capable de coucher sur un parchemin la beauté des forêts, comme le faisait Frère Jérôme à l’Abbaye, Jérôme pensait que de telles choses étaient péché, mais il les aimait, et il ne faisait que des petites représentations de ce qu’il voyait par une fenêtre, tout en dessinant les robes noires et blanches des moines. Pendant un temps, Olaf avait songé à demander à Jérôme de lui apprendre à faire tout cela, mais il avait abandonné cette idée car il ne voulait pas renoncer à la liberté de se déplacer comme il voulait.

Jan a rompu le silence en disant: « Cette sorcière. Tu penses que nous allons arriver à la trouver? »

« Je me pose moi-même cette question à n’en plus pouvoir » dit Thur en haussant les épaules, « mais nous pouvons au moins la chercher.

- Et après? » a demandé Olaf.

« Je ne sais pas », a dit Thur « tout dépend de ce que nous allons trouver, mais avant de douter je pense que nous devons obéir au message que nous avons reçus.

- Cela semble relativement raisonnable.

- On verra bien », soupira Jan.

« Courage, Jan » a conseillé chaleureusement Thur « De grandes choses nous attendent peut être et l’espoir est le meilleur de tous les compagnons.

« Tu fais bien de me le dire » a répondu Jan, en faisant un effort pour se débarrasser de sa mélancolie. « Je dois te donner l’impression d’être un chien ingrat, mais tu sais que ce n’est pas vrai. La vérité est que je ne supporte plus ma vie actuelle et si on échoue ou que cela ne nous mène à rien, j’irais à Londres et je chercherais à entrer au service d’un grand seigneur. Un bon homme d’armes ne doit jamais avoir faim. »

Olaf était silencieux. Il s’agissait d’une menace qu’il avait entendu trop souvent pour qu’elle l’inquiète et Thur a souri.

« Sois patient, mon garçon. Je suis certain que notre mission ne sera pas vaine » puis après ces paroles tous se sont tus, laissant leurs chevaux les mener toujours plus profondément dans la forêt. Ils se sont arrêtés pour manger: ils ont déjeuné sous les branches d’un cerisier sauvage qui poussait sur les bords d’un affluent du fleuve qui avait croisé leur chemin à ce moment.

Un pont plat enjambait le cours d’eau. Il s’agissait de deux grandes dalles de granit posées sur l’eau et cette structure suscita la curiosité de Thur. « Je me demande comment ces pierres sont arrivées ici » a-t-il dit.

 

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