Avec l’Aide de la Haute Magie

 

Chapitre II – Frère Stephen (3)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Un visage insolite ... une attitude inhabituelle pour un moine pensait Thur. Peut-être n’y avait-il rien d’ordinaire chez Stephen? Mais Thur n’était pas refroidi. Il a froidement décidé de jeter de l’huile sur le feu. « Que la Sainte Église abandonne un peu de sa prétendue sainteté et devienne un peu plus honnête et elle ne manquera pas de respect et d’amour » dit-il joyeux en se penchant sur Olaf et cherchant son pouls de ses doigts habiles.

Stephen, sans détourner les yeux des Frères égarés, a répondu sévèrement: « Voilà une allégation purement païenne. »

« Pourtant, le Christ notre Seigneur était honnête avant d’être saint... la marque du monde pour l’honnêteté en toute chose, » a-t-il poursuivi en repoussant les cheveux d’Olaf vers l’arrière pour dégager son front humide et le sécher avec le mouchoir.

« Il s’agit là d’une hérésie fétide! » a déclaré Stephen, détournant le regard des Frères mal à l’aise pour regarder Thur avec une certaine surprise.

«Une hérésie colportée par de nombreuses personnes en ces temps de rebellions. Notez-le mes Frères, si le prestige de votre Église vous est cher. Et pourquoi la magie des récoltes devrait s’effacer devant de telles pratiques? Voilà une autre chose que vous devriez bien noter. » La hardiesse de cette riposte et sa vérité avait manifestement abasourdi Stephen dont le regard menaçant avait été remplacé par quelque chose de mystérieux.

James et Thomas avaient maintenant perdu leur appréhension et étaient quelque peu dégrisé par leur expérience récente qui les avait inquiété quant à leur sécurité personnelle et ils s’étaient mis à parler pour cacher leur désarroi et rechercher la sécurité. « Vraiment Thur, je n’aime pas l’apparence de ce garçon. » a déclaré James en secouant sagement la tête.

« Il pue la sorcellerie » a ajouté Thomas.

James regarda Olaf sans se lever « Oui, il est évident qu’il est ensorcelé. Je ne connais pas de sorcières par ici, mais il y en a peut être bien. Je crois qu’il y a une sorcière derrière chaque botte de foin, mais le peuple les aime tellement que les gens ne font pas le moindre effort pour les dénoncer.»

« As-tu entendu parler de la Sorcière de Wanda? » a demandé Thur.

Stephen secoua la tête. « Je ne connais pas de sorcière, et aucune Wanda. »

« Est-ce que le garçon n’a pas parlé de la Sorcière de Wanda? » insista James avidement. « Est-ce qu’elle l’a ensorcelé? Il y a un endroit qui porte ce nom à environ quatre-vingt kilomètres à travers la forêt puis par les terres marécageuses. Un de nos Frères vient de là-bas. C’est un endroit sauvage et désolé et les hommes qui vivent au milieu des roseaux ne sont guère mieux que des bêtes qui périssent. Un bon endroit pour des sorcières. »

Stephen a fait un geste inquiet. « Assez parlé de sorcières. Videz votre pichet. J’entends le dernier chant et nous ferions mieux de nous en aller, afin de pouvoir dormir dans notre lit jusqu’à l’aube. Bonne nuit à toi Thur et un prompt rétablissement au jeune homme. Merci encore. La bière était bonne et servie généreusement. »

Thur n’a émis aucune protestation et les a conduit vers la sortie. Ils revinrent pourtant pour plonger leurs torches à moitié consumées dans le feu avant de repartir en laissant derrière eux une traînée de fumée poisseuse et une odeur de bière éventée. Le martèlement des sabots s’éteignit au loin. Jan était toujours assis sur un tabouret à côté d’Olaf lorsque Thur est revenu dans l’arrière-salle. Le visage très pale et épuisé du garçon était alarmant il semblait vraiment souffrir beaucoup. Il était à peine conscient et sa respiration était toujours laborieuse.

« Que le diable emporte l’abbaye et tous les ivrognes qui y vivent... ce n’est un repère de voleurs et un nid à fornicateurs... » éclata Thur hors de lui avec anxiété et fureur en songeant à l’interruption qui avait coûté si cher à Olaf. Il cracha comme un chat furieux. « Ils ont failli le tuer! »

« Malheur à moi pour l’avoir laissé risquer sa vie » s’est lamenté Jan, mais un gémissement a poussé Thur à agir au plus vite. « Aide-moi à le déshabiller, il sera mieux sans ce confinement de vêtements, puis mettons-le au lit. Seul du sommeil et du calme le remettront sur pieds. »

Obéissant même s’il tremblait de tout son corps, Jan repensait aux événements terrifiants de ces dernières heures. « Plus jamais ça! » dit-il avec un frisson involontaire. « Il doit y avoir un autre moyen. Je ne sais pas quoi faire, Thur. Conseille-moi! Dois-je abandonner mon but ? Devons-nous rester de petits fermiers jusqu’à ce qu’il soit plus vieux et que nous puissions aller ensemble à la guerre ou aller rejoindre un puissant baron ? »

Thur réfléchissait en silence à sa réponse.

« Nous n’avons rien appris avec ce rite affreux » a continué Jan.

« Rien, dis-tu? Nous avons réussi au-delà de toutes mes espérances. Passe-moi ce manteau -bas. »

Jan a obéi et ensemble ils ont enveloppé Olaf, qui était toujours nu, dans le manteau doublé de fourrure et l’ont porté par la porte arrière puis dans l’escalier en colimaçon menant à la chambre du dessus que Thur utilisait comme chambre à coucher. Là, ils l’ont couché sur un matelas rempli de paille dans un lit gigogne, puis ils ont étendu sur lui une couverture grossière, et l’ont observé tous les deux attentivement et avec inquiétude.

A ce moment, comme s’il était conscient de leur regard, Olaf a ouvert les yeux et a souri avec une légère assurance. « Je vais très bien maintenant » murmura-t-il d’un ton assoupi. « Je vais dormir. »

« Et quand il sera à nouveau lui-même, nous irons tous les trois à le recherche de la Sorcière de Wanda avant de décider ce que nous ferons ensuite, » murmura Thur à Jan. « Voilà mon conseil, mon garçon! »

 

 

 

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