Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre XIX – Des Châteaux et des Terres (1)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

Les rayons de la pleine lune avaient du mal à percer la brume marine alors que Jan, Thur et Olaf répartissaient leurs hommes dans plusieurs petits bateaux de pêche. Olaf a été envoyé avec dix archers, ils devaient se placer près de la barbacane et stopper toute personne entrant ou sortant du château, et aussi (mais il ne le savait pas) faire en sorte que si l’attaque échoue un des Bonder puisse survivre et perpétue la lignée. Tous les hommes valides de la confrérie venant de la forêt étaient là, avec les six hommes de Jan et des pêcheurs, qui étaient aussi membre du culte des sorcières et qui étaient de bons grimpeurs.

Jan et Thur ne se faisait aucune illusion, s’ils échouaient il n’y avait que très peu de chance qu’il y ait des survivants dans leur camps. Mais ils avaient de bonnes chances de réussir s’ils parvenaient à ne pas se faire remarquer.

Leur plan était bien préparé. Fitz-Urse, sa femme et Ruad, leur second fils avaient quitté le château à cheval avec vingt hommes d’armes et de quelques serviteurs. Il se disait qu’ils n’allaient pas revenir avant plusieurs jours. Cela signifiait qu’il ne resterait pas plus de trente combattants et une vingtaine de serviteurs au château. Ils savaient qu’il y aurait parmi eux au moins six hommes qui monteraient la garde dans la barbacane et qui seraient donc incapables d’aider leurs compagnons du château, à condition de parvenir à prendre le contrôle du pont-levis avant que l’alarme ne soit donnée.

Evan Œufs de Mouette était dans son petit bateau avec son épouse et leurs enfants et une partie de leurs biens. Il est sorti et s’est tourné vers Thur et a dit : «. Je suis là, montrez-moi l’or. »

Thur lui a montré les vingt-cinq pièces, puis les a remis dans une petite bourse. « Au sommet du rocher, » a-t-il dit.

Evan grogna. « Un homme va risquer sa vie pour pouvoir se chercher une nouvelles demeure et de nouveaux compagnons.

- C’est toi qui l’a décidé, » lui a répondu Thur.

Evan grogna plus fort que jamais. « Allons-y, » et il est sorti du petit bateau d’un air maussade.

Les autres bateaux le suivirent avec un bruit sourd et ils furent bientôt à l’entrée de la grotte. Il avait une sorte de plage pour débarquer, taillée dans le roc et quelques anneaux pour amarrer les bateaux. Evan a désigné quelques bateaux échoués sur le sable à l’intérieur de la grotte. « Les bateaux de Fitz-Urse, » grogna-t-il. Silencieusement, ils ont amarré leurs bateaux et ont débarqué. Evan les a conduits jusqu’à des marches taillées dans le roc et menant à une crête aboutissant à un espace mesurant environ six mètres de large sur quinze de long au dessus de la mer. Au dessus la falaise se perdait dans la brume.

« La falaise est juste au-dessus, » dit Evan. « Là haut ils ont un grand treuil. Ils portent les choses jusque là avant de les hisser et c’est pareil pour l’équipage des bateaux. Ils font pareil pour descendre, » grogna-t-il presque pour lui-même. « Ils pensent qu’il n’est pas possible de grimper là-haut, mais comment des hommes auraient-il pu monter la première pierre s’il n’avait pas moyen de monter avant que le pont ait été construit ? »

Il les a conduits à l’extrémité de la plate-forme où le rebord continuait un peu, puis s’arrêtait brusquement. Ils entendaient la mer rugir leurs pieds. Evan déroula une corde qu’il portait sur les épaules, elle avait une boucle à une extrémité. Il a accroché cette boucle à une roche et a désescaladé le rocher jusqu’à quasiment disparaître de leur vue sur une corniche ayant à peine la largeur de son pied. Les autres l’ont suivi avec prudence. Quand ils l’eurent rejoint, Evan s’est déplacé vers la droite, la corniche était étroite et glissante, mais il y avait des prises pour s’agripper, il a ainsi continué jusqu’en haut. Puis la voie était bloquée par une masse de roche en saillie mais une corde en descendait. Evan s’est hissé avec la facilité d’un grimpeur chevronné, et même s’il y avait des prises pour les mains et les pieds, les autres avaient du mal à le suivre et avançaient avec lenteur.

Puis il y a eu un autre rebord plus large et plus facile que le premier, ce rebord menait lui aussi à une fissure dans la roche, elle faisait à peine soixante centimètres de large. En s’aidant d’une corde qui pendait et en poussant des épaules et des genoux contre les parois, ils progressaient lentement. En arrivant au sommet un péril encore pire les attendait, ils devaient ramper lentement et patiemment le long d’une corniche étroite au-dessus de laquelle s’avançait la falaise, ainsi ils ne pouvaient ni se redresser ni trouver de bonnes prises et pour encore empirer les choses ce rebord penchait vers le bas. Il était impossible de fixer une corde et la mer frappait la roche  avec fureur une centaine de mètres plus bas.

Un homme juste derrière Jan a glissé, il est resté suspendu un instant par les mains, puis est tombé en poussant un cri dans l’obscurité. « Faites attentions bandes de fous ou vous êtes perdu ! » a dit Evan Œufs de Mouette. Mais après un virage, la corniche s’est faite plus large puis il y a eu une nouvelle fissure dans la roche mais une corde était fixée et elle était franchement la bienvenue. Haletant et le souffle court, Thur et Jan sont arrivés jusqu’en haut, mais non sans avoir entendu deux autres cris et le choc des corps arrivant en bas.

« Que Dieu ait pitié de leurs pauvres âmes, » a dit Jan en se signant pieusement.

Evan, l’air maussade regardait les hommes qui apparaissaient. Lorsque le dernier est arrivé, il a dit : « J’ai rempli ma mission, donnez-moi mon dû. » En silence, Thur lui a remis  la bourse. Evan la soupesa dans sa main et sans un mot il a empoigné la corde et disparu.

Jan et Thur ont regardé autour d’eux avec curiosité. Ils étaient sur une petite plate-forme d’environ trois mètres de large et neuf mètres de long. Devant eux il y avait un très grand treuil et une potence, un chemin conduisait à un mur d’environ six mètres de haut avec une petite tour dotée d’une porte sur le côté.

Thur souffla. « J’ai bien l’impression qu’il s’agit là d’un vestige de l’ancien château et non de l’œuvre des Normands. »

Ils se sont rapprochés et Thur a collé son oreille contre la porte. Satisfait, il est retourné à la plate-forme où il y avait le treuil et a aidé un homme grand et robuste à se mettre sur pied. « Smid, est-ce que tu peux ouvrir cette porte pour moi ? »

Smid, encore essoufflé, a examiné la porte comme quelqu’un du métier, il l’a jaugé avec prudence puis il l’a secouée. « Je pense qu’elle est fixée par une barre et des verrous en haut et en bas. »

Tous écoutaient attentivement, il n’y avait aucun bruit de l’intérieur.

« Fitz-Urse pense que personne ne peut arriver par ici sans employer le treuil, il n’a donc pas jugé bon de mettre une sentinelle ici et Bartzebal nous a dit que nous pourrions venir de cette manière et tuer en son nom, alors j’ai tout risqué en partant du principe qu’il n’y aurait personne ici, » murmura Thur. « S’il y avait eu quelqu’un nous n’aurions eu d’autres choix que de revenir par la voie périlleuse que nous avons pris avec Evan. Nous verrons bientôt si Bartzebal était sincère avec nous. »

Pendant ce temps, Smid a tiré une grosse vrille de sa poche et a percé méthodiquement un cercle de trous dans la porte. La vrille traversait le bois sans faire de bruit. Il a ensuite relié ces trous avec une petite scie et il pu enlever un gros morceau de la porte. Smid, en insérant son bras, débloqua la barre, puis en s’aidant d’un outil réussit à tirer les verrous du haut et du bas. La porte grinça en s’ouvrant et le groupe a débouché dans une grande cour.

A leur droite il y avait un grand bâtiment, sans doute le logis seigneurial. Comme le seigneur était absent, seules les servantes devaient être là, il n’y avait pas urgence. A gauche il y avait les écuries. Vers le mur d’enceinte il y avait un long bâtiment pas très haut d’où venait de gros ronflements et une odeur qui laissait penser qu’il s’agissait de la cuisine, il n’y avait donc là non plus aucune urgence. Il y avait un bâtiment plus grand, sans doute, le casernement, puis une tour ronde et les dépendances et les dépôts. Ensuite il y avait les tours jumelles du corps de garde. A droite il y avait un nouveau un pan de mur et une énorme tour ronde, le donjon, là le mur rejoignait le logis et complétait le cercle.

Thur observa tout avec les yeux d’un soldat. Il a rapidement placé six hommes devant la cuisine avec des ordres stricts : ils ne devaient rien faire avant d’entendre des cris de luttes ailleurs, à ce moment ils devaient entrer et tuer tous ceux qu’ils rencontraient. Ils devaient ensuite rejoindre les autres combattants. Vingt hommes furent postés devant le casernement avec les mêmes ordres, attendre et ne rien faire. Il a posté six autres hommes devant le logis seigneurial avec ordre de tuer tous ceux qui sortirait mais de ne rien faire d’autre. Il a ignoré le donjon : « Il n’y a jamais personne là-dedans, sauf en cas de guerre, » a-t-il murmuré. Il a conduit les trente hommes derniers à la guérite. Il savait qu’il y aurait là des hommes en armes montant la garde et aucun de ses hommes n’avaient d’armure mais s’ils en avaient eu, ils n’auraient pas pu escalader les falaises.

Il y avait une porte dans chacune des tours jumelles mais heureusement elles n’étaient pas fermées. Thur suivi de la moitié des hommes s’est dirigé vers une des portes, Smid le forgeron, avec les autres, vers l’autre et ils ont jeté simultanément un œil dans les salles de gardes des tours. Une torche accrochée à un mur éclairant mal, révéla deux hommes assis à une table en train de jouer aux dés en regardant vaguement du côté du  treuil, de la herse et du pont-levis. Des ronflements montraient que d’autres gardes dormaient par terre. Au dessus de leur tête on entendait des bruits de pas, la sentinelle sur le toit allait et venait, cherchant à se réchauffer.

 

 

 

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