Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre XVIII – L’Esprit Dantilion (2)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

« Il est là maîtres, » souffla Simon un peu plus tard en poussant un homme à l’aspect un peu sauvage. « Et vous voulez quoi avec moi ?

- On t’appelle Evan Œufs de Mouette ? » a dit Thur

« Oui, les gens m’appellent comme ça » a-t-il répondu d’un air mauvais.

« Tu escalades les falaises pour chercher des œufs de mouettes ?

- Oui. »

Thur lui montra une pièce. « Il t’arrive de chercher des œufs au château sur le roc ?

- Non maître, Fitz-Urse n’aime pas qu’on escalade ce rocher et quand il n’aime pas quelque chose, il le montre avec des flèches.

- Mais tu l’as déjà escaladé ? »

Evan l’a regardé d’un air entendu mais n’a pas répondu. Thur lui a montré une pièce d’or. L’homme a fait des grands yeux mais est resté muet.

« J’aimerais escalader ce rocher. Est-ce possible ?

- Maître, je n’ai qu’une vie et c’est pareil pour ma femme et mes trois enfants. Si quelqu’un escalade ce rocher, Fitz-Urse s’en prendra à moi et nos cinq gorges seront tranchées Il sait bien que personne d’autre n’en serait capable. »

Thur a ajouté trois pièces à la première.

Les yeux de l’homme brillaient. « Que voulez-vous ? » a-t-il demandé.

«  Il y a une porte dérobée menant au château, emmènes-y moi avec quelques amis, une nuit où tout sera noir.

- Là ça serait très périlleux, mais ça serait possible au clair de lune, même s’il y a de la brume. Mais il faudra me donner vingt-cinq pièces avec la tête du roi dessus. Je peux monter et fixer des cordes, vous pourrez alors grimper en toute sécurité, mais il faudra me payer la moitié d’avance et le reste lorsque vous serez en haut. Ce que vous ferez ensuite ne me concerne pas. Avec l’agent je partirai au loin avec ma femme et mes enfants et j’achèterai une ferme. Je ne pourrais plus rester ici après ça.

- Vingt-cinq pièces d’or ? Impossible, » s’écria Thur,

- Donc c’est impossible, je ne le ferai pas pour moins, » a dit Evan en se levant comme pour s’en aller.

Thur lui fit signe de rester. « C’est une somme importante mon ami, il n’est pas facile de trouver autant d’argent. Mais si je peux l’obtenir, tu feras vraiment comme on l’a dit sans me trahir aux Normands ? »

Evan cracha : « Je n’aime pas Fitz-Urse et les siens, ça me fera plaisir de lui causer du tort si je ne risque rien. Je ne vous trahirais pas. Mais il me faut de quoi m’installer ailleurs et loin. Envoyez-moi Simon si vous avez besoin de moi, » et il s’est levé et s’en est allé.

« Vingt-cinq pièces d'or, c’est la rançon d'un roi, » s’étouffa Jan. « Avez-vous une telle somme, Thur ?

- Non, mais je pourrais emprunter. J’ai une maison, mais je ne sais pas qui pourrait me prêter cette somme. Si le bon Roi Richard n’avait pas banni tous les Juifs ça aurait été facile. Je vais essayer car je ne vois pas d’autres façons d’y parvenir et Bartzebal a clairement dit qu’Evan nous conduira sur le chemin secret. »

Le vieux Simon arriva couvert de bandages.

« Que s’est-il passé mon bon ? » demanda Jan.

« Ce n’est rien, maître. J’ai été attaqué par un sanglier. En réalité c’est Kit qui m’a fait ça avec son couteau et il m’a soigné. Je dirai à la maîtresse que j’ai été blessé, que je me suis évanoui et que je ne suis revenu à moi que plusieurs heures plus tard. Je vais dire que je ne vais pas travailler pendant quelques jours, un homme qui a été à moitié tué ne peut pas travailler tout de suite. »

Jan a fait des grands yeux. « Ah c’est comme ça ? Je me souviens qu’il t’est déjà arrivé quelque chose comme ça l’an dernier, c’était aussi simulé ?

- Oui maître, je deviens trop âgé pour être roué de coups. »

Thur et Olaf ont éclaté de rire, Jan a finalement fait de même puis ils sont tous retournés chez eux.

Quand Thur arriva chez lui Morven l’accueilli en disant : « Frère Stephen vous a attendu toute la journée, j’ai peur qu’il soupçonne quelque chose, mais dites-moi comment vous en êtes-vous tiré ?

- Pas trop bien mais pas trop mal non plus, » répondit Thur avec lassitude. « Nous avons trouvé Evan Œufs de Mouette. Il peut nous aider si on lui donne de l’argent mais il demande une très forte somme et je ne vois pas comment trouver autant d’argent mais nous y arriverons d’une façon ou d’une autre, n’aies crainte.

- Mais que veut Stephen ? (à ce moment Frère Stephen s’est précipité pour saluer Thur.)

« Je voudrais vous parler, Thur, seul à seul » et il regarda Morven.

Thur la congédia d’un hochement de tête. « Parlez librement mon ami, il n’y a personne pour nous écouter. »

Stephen hésitait. « Ce que j’ai à vous dire doit rester secret pour vous sécurité comme pour la mienne.

- Je serai muet comme une tombe, » a dit Thur.

« Thur, je pense que vous vous êtes souvent demandé ce que je fais ici. Vous savez que j’avais mon école à Paris. »

Thur hocha la tête.

« Thur, tu as vu mon horoscope, Jupiter est en conjonction avec le soleil et tous les autres signes indiquent la même chose. Je peux faire de grandes choses pour moi, pour d’autres, et pour mon pays, d’une façon dont on se souviendra pour toujours. Maintenant et dans le mois qui vient, j’aurai une opportunité dans cette petite ville de St. Clare et nulle part ailleurs. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

- Comment le saurais-je ? » a dit Thur « Je sais, je l’ai vu, mais peut-être y avait-il une erreur dans les calculs ?

- Mais nous l’avons fait vérifier par de nombreux astrologues avant que je vienne ici et ils ont tous raconté la même histoire. C’étaient des astrologues qui venaient de France, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, de Bohême et des Maures païens, tous disent la même chose, même mon ami Lothaire di Signi. »

Thur hocha la tête. « Lothaire m’a ici pour essayer de comprendre. C’est important pour lui comme pour moi, son horoscope le montre aussi. Vous savez, il doit avoir ce qu’il veut, gagner du pouvoir.

- Comment puis-je vous aider mon ami ? » a demandé Thur

« Thur, j’ai réfléchi, j’ai regardé et j’ai attendu. Je crois que j’y vois clair maintenant. Vous pratiquez la haute magie et l’art magique. Cette fille Morven me hante, je rêve d’elle, Thur, vous devez faire de la magie pour moi. Aidez-moi à avoir du pouvoir pour que je puisse repartir. »

Thur le regardait : « Magie est un mot impie, qu’en dirait le seigneur abbé ?

- Il dirait : rajeunis-moi ou ce sera le bûcher » répondit Stephen « Et moi Stephen je dis : travaillez pour moi ou dans l’heure, les hommes de l’abbé prendront cette maison d’assaut, Thur. Vous pensiez pouvoir faire ce que vous avez fait il y a deux nuits sans être remarqué ? »

Thur demanda : « Qu’ai-je fait ? 

- Thur, la moitié de la ville a entendu des voix qui hurlaient bien après minuit.

- Est-ce qu’un homme n’a pas le droit d’inviter des amis à faire la fête ?

- Ce n’était pas le chahut d’hommes qui font la fête. Il y avait aussi la fumée et des odeurs d’encens, tu as parfumé la moitié de la ville et une heure après minuit il y a eu une explosion de fumée noire... les veilleurs l’ont vu et tremblaient dans leurs chaussures en disant ‘Le diable lui-même est venu chercher le médecin et les siens.’ Puis quand ils vous ont vu tous les deux hier matin, ils ont dit ‘Maître Thur doit être parent avec le diable lui-même.’ La moitié des commères de la ville sont allées à l’abbaye. J’ai eu beaucoup de mal à calmer le vieil homme. Il voulait vous faire arrêter tout de suite et vous soumettre à la question. J’ai dû beaucoup mentir, j’ai dit que je savais ce que vous faisiez et que je vous ferais travailler pour lui. Il faut vraiment que vous fassiez quelque chose pour lui, Thur, si vous le pouvez, au moins pour votre sécurité et votre intégrité physique, si vous n’avez pas d’autres raison de le faire, mais vous devez tout d’abord travailler pour moi.

Thur, invoquez les esprits pour moi cette nuit, sans cela les hommes de l’abbé vous arrêteront dans la demi-heure, deux frères m’attendent dehors je dois me hâter. Ils ont une lettre cachetée pour l’abbé, n’imaginez pas qu’en me poignardant vous pourrez me réduire au silence et régler ce problème. Vous devez m’aider, Thur.

- Je vais vous apporter toute l’aide possible, mais vous, allez-vous m’aider ?

- Comment ?

- Je veux de l’argent et je veux que l’abbé me laisse en paix pendant quelque temps.

- Je peux calmer l’abbé pendant un certain temps, mais je n’ai pas d’argent, Thur. Vous ne pouvez pas vous procurer de l’argent par magie ?

- Bon, calmez  l’abbé. Je ne peux pas faire d’argent, je ne suis pas un maître, juste un débutant, les esprits ne me donnent que des conseils. Attendez, je vais vous raconter mon histoire. »

Stephen écouta attentivement. « Je pense que je commence à comprendre, » a-t-il dit. « Et bien invoquez les esprits pour moi, pour ce qui est de l’argent, je pense que je peux vous aider, l’abbaye a beaucoup d’or dans ses caisses, mais elle ne peut pas en prêter.... L’Eglise interdit l’usure. Mais, vous pouvez vendre votre maison pour disons, vingt pièces d’or et la racheter dans trois mois pour disons trente pièces, l’abbaye fait souvent de telles choses et on peut s’arranger pour que vous puissiez y rester pendant trois mois ou plus. Si vous vous emparez du château, vous aurez de l’or et vous pourrez rembourser. Sinon… eh bien, je pense que vous n’aurez plus besoin d’une maison. »

Thur fit une grimace. « Vos conditions sont exorbitantes, mais les emprunteurs n’ont pas le choix. »

Stephen s’est levé. « Eh bien, C'est réglé, je vais parler à l’abbé, je vais lui dire qu’il n’était pas question de magie, que vous aviez des amis à la maison, que vous avez fait brûler des remèdes et que cela s’est mal passé. Bon, quelle nuit allez-vous invoquer les esprits pour moi ? »

Thur réfléchi. « Je dois consulter les astres et mes parchemins, mais je sais que vos étoiles sont favorables. Je vais tout préparer aujour... venez demain soir. »

La nuit suivante, un jeudi, la septième nuit de la nouvelle lune, Stephen a frappé à la porte et il fut admis dans la maison. Après les salutations, Thur a dit : « J’ai cherché dans les parchemins, je pense que Dantilion est le meilleur esprit pour ce que vous voulez, c’est un duc, grand et puissant. Son rôle est d’enseigner tous les arts et les sciences et de donner des conseils secrets car il connaît les pensées de tous les hommes et il peut les modifier à sa guise. En tout cas c’est ce disent les parchemins. Cette nuit est une nuit favorable pour le convoquer. Morven et moi nous avons fait les pentacles pour l’invoquer si vous en avez le courage. 

- Je ferai face au diable lui-même, » a-t-il répondu, « Thur, j’ai parlé à l’abbé, vous pouvez avoir l’or. Signez ce parchemin, vous vendez votre maison et tout ce qu’elle contient pour vingt deux pièces et vous pourrez la racheter pour trente-deux pièces dans un délai de six mois. Cela vous convient-il ? Ce sont les meilleures conditions que j’ai pu obtenir de l’abbé.

- Oui, les emprunteurs ne peuvent pas être difficiles, » grommela Thur « Venez maintenant, » et il a ouvert la voie jusqu’à la pièce où Morven attendait à côté d’un bain d’eau chaude. Stephen, qui connaissait un peu la théorie de l’art magique, a regardé avec un œil critique et intéressé Thur qui s’est baigné puis qui exorcisa l’eau, avant de se purifier lui-même, puis Morven pris sa place et Stephen fut purifié à son tour. Ceci fut fait, exactement comme lorsqu’ils avaient évoqué Bartzebal, puis Thur a pris sa tenue de lin et il en a donné une à Stephen qui s’apprêtait à monter au grenier.

« N’avez-vous pas de tenue pour Morven ? » a demandé Stephen. « Il n’est pas convenable qu’une femme soient nue comme Dieu l’a faite en présence d’hommes qui eux sont vêtus. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle a fait de sa pudeur, » a dit Stephen pour exprimer son mécontentement et sa mauvaise humeur tout en la regardant avec désapprobation. Ce n’était pas le fait que Morven soit nue qui lui posait problème, ce qui le gênait c’est que les hommes étaient vêtus alors que Morven ne l’était pas. Si la nudité était nécessaire au rite, pourquoi pas, si non alors tous devaient être vêtus. Voilà ce que pensait Stephen. Il savait que l’usage voulait qu’une sorcière pratique nue pour exprimer tout son pouvoir, mais à sa grande surprise, il n’aimait pas que cette sorcière là obéisse à la loi.

 

 

 

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