Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre XVII - Le Culte des Sorcières (3)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

Le lendemain, Jan resta silencieux et pensif, tout comme Thur. Olaf était excité mais déçu. « Je n’ai pas l’impression d’avoir changé, » se plaignit-il. « Tu as dit que je suis maintenant un prêtre et une sorcière, mais je ne me sens pas différent. Tout cela n’est que supercherie.

Tous les prêtres se sentent différents des autres hommes, ils me l’ont tous dit et ils agissent aussi comme s’ils étaient tellement mieux, plus sage et plus fier que les simples mortels, vois comment ils menacent même les grands seigneurs, même les rois doivent se prosterner devant eux. 

- Pas notre noble roi actuel, » a fait remarquer Thur avec ironie. « Il reste toujours un peu à l’écart des prêtres et on dit que Jean sans Terre n’a pas montré un très grand respect pour notre père le Pape.

- Non, » a dit Olaf, « mais si j’étais une sorcière je devrai avoir certains pouvoirs et je n’en sens aucun.

- Non, » à dit Morven, « beaucoup d’hommes sont faits prêtres par les chrétiens, mais as-tu  jamais vu qu’un prêtre se soit transformé en grand prédicateur ou en bon chanteur du seul fait de son ordination ? Non, le pouvoir est toujours intérieur. Pourtant, en étant ordonné prêtre, un homme est mis sur un chemin où il peut apprendre à développer ses pouvoirs, apprendre à prêcher ou chanter, ce qu’il n’aurait pas fait s’il était resté derrière une charrue toute sa vie. Lorsque la fraternité était puissante, elle choisissait toujours ceux qui avaient naturellement un peu de pouvoir et on leur apprenait à le développer et ils pratiquaient les uns avec les autres et développaient ainsi leurs capacités. Mais je t‘ai toujours dit que nous n’avons pas les pouvoirs extraordinaires dont parlent les gens, mais nous avons des pouvoirs. Nous ne cherchons qu’à vivre tranquillement et adorer nos dieux à notre manière, à nous amuser comme nous l’entendons et qu’on nous laisse en paix. Mais les hommes nous importunent toujours, il ne fait donc s’étonner si parfois nous ripostons.

Alors à chaque fois qu’il y a un orage ou une mauvaise récolte, les prêtres disent que ce sont les méchantes sorcières qui en sont responsables et ils se propagent des histoires terribles sur nos réunions secrètes, ils disent qu’on y mange la chair de nouveaux nés. Mais, ils ont racontés les mêmes histoires il y a longtemps sur les gnostiques et les Romains de l’antiquité n’ont-ils pas raconté la même chose au sujet des premiers chrétiens ? Non Olaf, tu es maintenant membre d’une ancienne fraternité dont les membres se sont engagés à s’aider mutuellement. Si tu le souhaites, tu peux étudier la magie, et où pourrais-tu trouver un meilleur professeur que Thur ? Mais il ne s’agit que de développer tes propres pouvoirs et ça ne se fera pas d’un coup de baguette magique. 

- Ni par des coups d’escourge apparemment, » a dit Olaf, un souvenir encore cuisant à l’esprit. « Tu a parlé de degrés plus élevés. Tu bats les postulants à tous les degrés ?

- Oui », a dit Morven. « Tu n’arrives pas à comprendre ? C’est pour ton propre avancement, il est écrit ‘L’eau purifie le corps, mais l’escourge purifie l’âme.’ Je pense que Jan en sent quelque chose, » a-t-elle poursuivi.

« Oui, » a dit Jan « D’une certaine façon je me sens un autre homme, comme si j’avais été débarrassé de ma crasse. Qu’as-tu ressenti, Thur ?

- Oui, je l’ai aussi ressenti, » a dit Thur. « C’est une étrange expérience mystique, j’en avais entendu parler avant, mais c’est outil dangereux dans de mauvaises mains ; par contre dans les bonnes cela fait des merveilles, alors tu vois, tu apprends déjà, Olaf

- Hum, » a dit Olaf. « Apprendre que l’âme d’un homme peut être nettoyée comme un tapis en la battant.

« Tu as vu et entendu parler de la secte des Flagellants, » a dit Thur. « Ils se flagellent les uns les autres, cruellement. On dit qu’ils font ainsi des miracles et même qu’ils peuvent  ressusciter les morts. Et est-ce que la sainte mère Eglise ne prescrit-elle pas souvent la flagellation ? Est-ce que notre roi Henri, deuxième du nom, n’a pas été fouetté à Canterbury sur la tombe de Becket, cinq coups de la part de chaque évêque et abbé présents et trois coups de chacun des quatre-vingts moines ? Il était dans un triste état, mais par la suite son âme était dans un état de grâce. Et est-ce que le roi Henri IV de France n’a pas été fouetté par le pape lui-même ? Non, la baguette est une mauvaise chose, mais elle peut avoir son utilité, la bienheureuse Ste. Thérèse l’utilisait régulièrement et elle a fait qu’on l’utilise dans l’ordre des Carmélites et grâce à cela elles obtiennent de nombreuses visions merveilleuses et encore une fois, tout le monde ne parle-t-il pas des merveilles accomplies par le bouleau sacré de la joyeuse Ste. Bridget ? 

- Mais qu’en est-il de ces ordres supérieurs dont tu parles ? » a demandé Olaf.

« Pour le moment je n’ai eu droit qu’à une fessée et on m’a montré des épées et des couteaux, tout ça je connaissais déjà, je veux voir quelque chose de vraiment magique.

- Non, » a dit Morven, « Je pense que jamais tu n’avanceras. Si tu ne ressens pas les anciens secrets de joie et de terreur, il est inutile que tu continues.

- Je vais continuer, » a dit Jan, « J’ai l’impression que des choses effleurent mon âme, comment était-ce pour vous, Thur ?

- Je ne sais pas, mais il me semble qu’il y avait une sorte de mystère cultuel, délicat, mais comme dans un rêve, quelque chose de bizarre, j’ai du mal à me souvenir de ce qui s’est passé, j’étais comme en transe, mais j’y pense avec plaisir.

- Quand pourrons-nous progresser, Morven, et combien y a-t-il de degrés?  

- Il n’y a qu’un degré de plus, » a-t-elle dit. « Vous y prêtez un serment et vous pourrez utiliser les outils de travail, mais après il y a encore ce qu’on appelle aussi un degré. Il n’y a pas de serment et tous ceux qui ont le second degré sont compétents pour ce degré, mais il s’agit de la quintessence de la magie et il ne faut pas s’y frotter à la légère, et uniquement avec la personne que vous aimez et qui vous aime, sinon c’est malsain. Son mauvais emploi est ce qu’il y a de pire dans ce monde et dans le suivant.

- As-tu été fouettée à ce moment ? » a demandé Olaf.

« Ne poses pas de questions stupides, » a répliqué sèchement Morven. « J’aurai aimé te mener jusqu’au second degré, le pentacle. J’aimerai te fouetter durement, mais je ne dois pas, pour une raison que je ne peux pas te donner maintenant. En attendant, je vais faire passer Jan et Thur par le pentacle, plus vite cela se fera et mieux ce sera. 

- Et après ? » a demandé Jan.

Elle a rougi. « Non Jan, quand tu seras passé par le pentacle, je ferai mon devoir et je t’enseignerai d’autres mystères, le mystère des mystères. Quand tu sauras en quoi il consiste, nous parlerons plus. Ce n’est pas une chose à faire à la légère. Mais maintenant nous devons discuter de beaucoup de choses, Evan Œufs de Mouette en est une. »

 

* * *

Le lendemain, Thur, qui avait consulté les astres toute la nuit a annoncé : « Ce jour est mauvais pour les opérations à l’extérieur, mais il est bon pour celles à la maison donc ce n’est pas aujourd’hui que nous chercherons Evan Œuf de Mouette. Mais je sais qu’il y a une opération que nous pouvons faire à la maison, » et il a regardé en direction de Morven.

« Oui, » s’écria Jan qui eu soudain une idée, Morven rougit.

« Oui, fais de nous des grands prêtres, » a dit Thur.

Olaf s’est proposé ironiquement de les fouetter tous les deux sans attendre la nuit. Morven a protesté en rougissant, de nombreux hommes ont attendu pendant des années avant de progresser, mais elle a convenu que cela leur donnerai plus de pouvoir sur les frères, dont quelques-uns n’étaient jamais allé au-delà du triangle.

Donc, cette nuit trois d’entre eux (car Olaf malgré ses protestations, a été enfermé en bas par ce qu’il se moquait des autres) sont montés dans la chambre au premier.

A nouveau ils se sont soigneusement lavés, Morven a consacré une nouvelle fois son cercle comme avant, mais cette fois Jan était avec elle et il devait l’assister comme il pouvait dans les évocations et les chants. Puis il fut attaché comme avant, mais ses yeux n’ont pas été bandés et il a été conduit autour du cercle alors qu’elle proclamait aux directions : « Ecoutez Puissances, Jan, un prêtre et sorcière dûment consacré est maintenant bien préparé à être fait grand prêtre. » A nouveau on l’a fait courir autour du cercle guidé par la laisse. Il a ensuite été attaché à l’autel comme avant. Puis Morven a dit : « Pour atteindre ce degré sublime, il est nécessaire de souffrir et d’être purifié. Es-tu prêt à souffrir pour apprendre ? »

Jan a répondu : « Je le suis. »

Morven a dit : « Je te prépare à faire le grand serment, » et elle a frappé trois coups sur la cloche. Puis, avec l’escourge, elle l’a frappé comme auparavant, trois, sept, neuf et vingt et un coups (quarante en tout) comme auparavant. Puis elle a dit : « Je te donne un nouveau nom, Janicot. Répète après moi ton nouveau nom et dit : moi, Janicot, je jure sur les entrailles de ma mère et sur mon honneur parmi les hommes et parmi mes frères et sœurs de l’art, que je ne révélerai jamais à quiconque, aucun des secrets de l’art, si ce n’est à une personne qui en est digne, bien préparée, au centre d’un cercle magique tel que celui où je suis maintenant. Cela je le jure sur le salut de mon âme, sur mes vies passées et mes espoirs en une vie future, et je me voue à une destruction totale, si jamais je brise mon serment solennel. »

Morven s’est agenouillée et, posant sa main gauche sous les genoux de Jan et sa main droite sur sa tête elle a dit, « je veux que tout mon pouvoir passe en toi, » et elle l’a voulu au plus haut point, puis elle a détaché les pieds de Jan et la laisse de l’autel et l’a aidé à se relever comme avant.

Elle a ensuite mis de l’huile sur son pouce et touché le sexe de Jan, puis son sein droit, sa hanche gauche, sa hanche droite, son sein gauche et à nouveau son sexe (dessinant ainsi un pentacle inversé) en disant : « Je te consacre avec l’huile. » Trempant son pouce dans le vin, elle répéta les gestes en disant : « Je te consacre avec le vin. Puis tombant à genoux, elle a à nouveau dessiné le pentacle avec ses lèvres en disant : « Je te consacre de mes lèvres, grand prêtre et enchanteur. »

Elle s’est relevée et a détaché les mains de Jan et a dit : « Tu vas maintenant utiliser les outils de travail, tour à tour, » et elle lui fit prendre l’épée sur l’autel et retracer le cercle magique autour d’eux, puis elle l’embrassa.

Puis elle lui a fait faire de même avec l’athamé et il y a eu un autre baiser.

Puis elle lui a fait prendre le couteau à manche blanc qu’il a utilisé pour graver un pentacle sur une bougie et il y a eu un autre baiser.

Puis elle lui a fait prendre la baguette qu’il agita aux quatre directions et ils se sont embrassés.

Puis elle lui a fait prendre le pentacle qu’il a présenté aux quatre directions et ils se sont embrassés.

Puis elle lui a fait prendre l’encensoir et il a marché en rond avec elle dans le cercle et ils se sont embrassés à nouveau.

Puis elle prit les cordes et elle lui a demandé de l’attacher comme lui l’avait été avant puis elle a dit : « Apprends qu’en sorcellerie, il faut toujours rendre au triple. Comme je t’ai donné l’escourge, tu dois aussi me donner l’escourge, mais au triple. Là où je t’ai donné trois coups, donne neuf. Là où je t’ai donné sept, donne vingt et un. Là où j’ai donné neuf, donne 27. Là où j’ai donné vingt et un, donne soixante-trois. (Il y a une plaisanterie en sorcellerie, la sorcière sait, mais l’initié ne sait pas, qu’elle aura droit à trois fois ce qu’elle a donné, ainsi ses coups sont légers.)

Jan était nerveux, mais elle insista et il lui donna finalement le nombre de coups requis, mais les coups étaient très légers.

Puis elle dit : « Tu as obéi à la loi. Mais note bien quand tu reçois le bien tu es aussi tenu de le rendre au triple. »

Il l’a détachée à sa demande. Elle a repris son athamé et lui tenait l’épée, elle l’a conduit autour du cercle, proclamant aux quatre directions :

« Ecoutez vous les puissances, Janicot a été dûment consacré prêtre et enchanteur. ».

Puis elle fait le tour du cercle et effaça les marques avec ses pieds.

Thur fut alors appelé et Jan a fait son premier travail magique, re-tracer et re-consacrer le cercle.

Puis Thur fut fait grand prêtre et enchanteur de la même manière. Quand ce fut terminé, elle a renvoyé les esprits comme avant.

           

 

 

 

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