Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre XVI - Dans le Grand Cercle (4)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

A nouveau l’ordre a été émis avec une force de volonté prodigieuse. Un nuage de fumée dense s’élevait du grand brasier jusqu’à la chaume en se mêlant aux fumées tout aussi denses émises pas les autres braseros. Thur a fait un signe à Morven et elle est allée tranquillement d’un brasier à l’autre pour y remettre des épices. Les nuages de fumée commençaient à redescendre du plafond, tout le grenier étant plein de fumées tourbillonnantes, brumeuses et étranges mais elles ne pénétraient cependant pas dans le cercle.

Jan regardait tout cela avec une sorte de dégoût intéressé. Ses sensations étaient nombreuses, complexes et confuses. Il manquait de la patience infinie nécessaire à celui qui étudie les  mystères cachés, et après avoir eu le souffle coupé en attendant quelque chose sans savoir exactement quoi, il prenait plaisir au calme du moment. Il n’aimait vraiment pas tout ce qui se passait, il détestait ça autant qu’il avait espéré cette aide. Il n’y avait pas réfléchi et était étonné et troublé par sa réaction, par ce recul, qu’il savait être instinctif. Comment pourrait-il comprendre que certaines natures n’avaient aucune affinité avec l’occulte et si, momentanément, le voile se levait, la vision qu’elles recevraient sera d’un ordre contraire à celle expérimentée par le dévot.

Jan qui était tout d’abord réaliste croyait pourtant aux merveilles, mais comme beaucoup il n’aimait pas y être trop confronté. Il croyait parce qu’il n’y avait jamais réfléchi. ‘Va chez un magicien’, ‘Cherche une sorcière’, étaient des pratiques courantes pour des personnes en difficultés... des paroles faciles à prononcer et faciles à accepter mais elles impliquent aussi ‘Laisses-les faire le travail, tiens-t-en à l’écart’ et maintenant il se trouvait au milieu de tout cela. Jan était si désespéré qu’il avait demandé l’aide de la haute magie, et en y étant confronté, il s’y est impliqué avec une grande réticence. Ce n’était pas ce à quoi il s’attendait, la sorcière n’était pas mauvaise et laide, les rites du mage n’impliquaient pas tout une ménagerie de serpents, de crapauds à verrues, de lézards et de chats noirs, et comme bien d’autres, Jan était maintenant confronté à la différence entre le rêve et la réalité de la magie. Il ne savait pas pourquoi, mais plus il voyait de quoi il s’agissait et plus il voulait s’en éloigner. Lui tout ce qu’il voulait, c’était une bonne armée de compagnons honnêtes, qui le suivrait au combat pour qu’il puisse tuer son ennemi dans un combat d’homme à homme et reprendre ce qui lui avait été dérobé, et c’est tout ce qu’il souhaitait sans se demander une seule seconde pourquoi ces hommes devraient risquer leur vie en luttant pour sa cause.

Il était vraiment intolérable que ce Bartzebal, quel qu’il fût, et qui avait tant besoin d’être amadoué pour se présenter, soit à ce point indispensable. Des femmes nues et de la fumée malodorante, alors que lui, Jan Bonder, au lieu d’entrainer ses hommes à Deerleap, se trouvait là dans un cercle de 3 mètres 30 où il suivait Thur Peterson d’un pas lent et majestueux, jusqu’à en être étourdi et engourdi par la tension et tout cela à cause de sa propre folie. Voilà ce que pensait Jan.

Mais Thur observait la scène avec une approbation satisfaite. Les choses se déroulaient comme le vieux docteur espagnol l’avait enseigné. Il a pris le pentacle sur l’autel et s’est promené avec lui autour du cercle en le présentant aux quatre directions. Une fois cela fait il est retourné au sud et une fois encore il l’a baptisé avec l’eau et le feu, en répétant : « Ô créature de fer et de Mars, doublement consacrée, tu peux approcher des portes de l’ouest. » En disant cela il s’est approché de l’ouest et a ouvert le tissu du pentacle, sans l’enlever, tout en exposant les trois autres pentacles sur sa poitrine.

Remettant à nouveau le voile sur sa poitrine, il frappa le pentacle dans sa main avec le plat de son épée, en disant : « Tu ne peux pas passer de la dissimulation à la manifestation si ce n’est par la vertu du nom Alhim. Avant toutes les choses il y avait le chaos et les ténèbres et les portes de la nuit. Je suis le grand dans les pays des ombres. Je suis celui dont le nom est ténèbres. Je suis l’exorciste au cœur de l’exorcisme. Apparais donc devant moi car je suis celui qui ne connait pas la peur. Tu me connais. Alors, viens, Bartzebal, VIENS ! Viens, Bartzebal, VIENS !

La fumée du brasier central s’est agitée violemment formant un pilier, qui montait et descendait avec une énergie spasmodique. Des visages apparaissaient et disparaissaient. Morven, sur un geste rapide de Thur, jeta une poignée d’encens sur le brasier et, passant aux plus petits elle y a aussi remis de l’encens. La fumée devint plus dense et plus parfumée. Une fois encore le mage est allé à l’est de l’autel et s’est tourné vers l’ouest. Encore une fois il a frappé le pentacle avec son épée et a parlé avec force : « Tu ne peux pas passer de la dissimulation à la manifestation si ce n’est par la vertu de JHVH ... Après l’informe, le vide et l’obscurité, vient la lumière... Je suis la lumière qui se lève dans les ténèbres. Je suis l’exorciste au cœur de l’exorcisme. Apparais donc devant moi sous forme harmonieuse car je suis celui qui a les forces de l’équilibre ... TU ME CONNAIS, ALORS APPARAIS. »

Thur a ensuite enlevé entièrement le voile du pentacle mais il l’a laissé attaché, il a aussi soulevé les voiles des pentacles sur sa poitrine, puis les a remis. Il a déclaré à voix haute : « Ô créature de fer et de Mars, trop longtemps tu as habité les ténèbres. Quitte les ténèbres et cherche la lumière. »

Il a remplacé le pentacle sur l’autel et, tenant l’épée dressée avec son pommeau sur le pentacle il a dit : « Par tous les noms et pouvoirs déjà cités, je te commande d’apparaitre de façon visible, au noms d’Herachio, Asacro, Bedremuael, Math, Lerahlemi, Modoc, Archarzel, Zopiel, Blauteel, Baracata, Edoniel, Elohim, Amagro, Abragateh, Samael, Gebrurahel, Cadato, Fra, Elohi, Achsah, Emisha, Imachedel, Dama, Elamos, Izachel, Bael, Sergon, Demos. Ô Seigneur Dieu, qui es assis dans les deux cieux, toi qui regardes l’abîme sous toi, accorde-moi ta grâce, je t’en prie, afin que ce que je conçois dans mon esprit, s’accomplisse par toi. Ô mon Dieu, souverain sur toutes choses. Amen.

Viens, je te conjure. Viens, Ô Bartzebal, viens!

L’agitation dans la colonne de fumée s’est accrue et devint de plus en plus violente. Un visage d’une beauté sauvage et surnaturelle, bien plus grande que la réalité, est apparu du côté ouest du cercle, son corps était instable, cela allait et venait. Sur son visage il y avait une expression de mécontentement morose mêlée d’étonnement qui était presque comique, un étonnement d’avoir été pris au piège et forcé à apparaitre. Il s’agissait de Bartzebal.

Une explosion, un peu comme le son d’un gros gong frappé dans une grande pièce éloignée, a retenti dans le grenier, et ils ont senti plutôt qu’entendu, une question pleine de colère : « Que voulez-vous ? »  

Est-ce que Bartzebal a vraiment parlé ou en réalité était-il silencieux ? Etait-ce vraiment une voix ou plutôt une vibration creuse retentissant simultanément dans chaque tête ? Jan n’en était pas sûr. Il a vu que l’atmosphère du grenier s’éclaircissait, la fumée s’était concentrée et formait une multitude de formes, se tordant en convulsions sans fin. Elles semblaient avoir un souhait déterminé d’examiner l’intérieur du cercle et poussaient et bousculaient de façon indiscipliné pour parvenir à leur fin, comme si elles étaient curieuses de connaître les personnes qui étaient dans le cercle. Jan n’était pas un pleutre, il n’avait pas peur mais son esprit tremblait et il ressentait des pensées étranges et inhabituelles qui agissaient sur son esprit comme si les êtres dans la fumée devant lui, poussaient et réclamaient de l’attention. Une grande pensée s’était matérialisée dans sa tête. Alors que Bartzebal s’était matérialisé par la fumée de l’encens, une pensée liée à toutes les réactions émotionnelles liées aux événements de l’heure qui venaient de s’écouler et la pensée persistait et grandissait en force, Dieu était une réalité et il était avec lui, Jan Bonder.

           

 

 

 

Retour