Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  XIV- Le Saut du Cerf (2)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Pendant les murmures d’approbation qui ont suivi ces paroles, Olaf a dit à Jan. « Que penses-tu maintenant de Morven ? Est-ce qu’une sorcière vieille, sale et moche, comme celle dont tu rêvais aurait pu faire réagir ainsi tout ces gens ? Là, debout devant nous avec son arme éclatante à la main, n’incarne-t-elle pas l’âme de la liberté et de la révolte ? Tout homme la suivrait jusqu’au bout du monde et même au-delà si c’était possible.

- Tu parles comme un montreur d’ours dans une foire. Est-ce que sa nudité pourra charger avec moi dans la bataille ? Ce dont j’ai besoin c’est une bande de soldats qui combattent.

- Eh bien on dirait bien qui tu vas avoir une telle bande. Elle a déjà fait en sorte qu’ils acceptent un chef. Écoute.

- Mais je veux des hommes en armure, pas des bûcherons.

- Te devrais prendre ce que tu peux avoir et remercier. Écoute. »

Morven a levé les deux mains dessus de sa tête. « Hommes et femmes, enfants des bois ! Jurez de garder secret jusqu’à la mort tout ce que je vous ai dit cette nuit. Jurez de gardez secret jusqu’à la mort le nom de la personne que je vais vous présenter comme votre chef, ou même que vous avez un chef. Tout cela vous devez le jurer. » Et elle a énoncé le grand et terrible serment qui avait cours chez eux.

Ils ont juré, en répétant après elle les paroles familières, mais après ce serment, elle a réfléchi, il y avait peut-être un espion parmi eux. Le fait que les gens de la forêt avait élu un chef n’était pas bien grave, mais si l’on apprenait qu’il s’agissait d’un Bonder, un petit fils du bon Sir Edgar, son but serait évident et toutes les précautions seraient prises contre leur attaque. L’identité de Jan devait donc rester secrète jusqu’à ce que le château soit entre leurs mains. Elle a cherché dans sa tête un nom ronflant par lequel ils désigneraient Jan.

Pourquoi n’en avaient-ils pas parlé plus tôt et pourquoi n’avaient-ils pas convenu d’un nom ? Que la peste emporte Hildegarde et ses accès de colère. Jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse y avoir un tel état de servitude dans la ferme. Jan… Jan de l’Épée ? No, Jan du Pin Flamboyant ?

N’importe quoi ! Jan de la Noble Croix ? Ca ne veut pas dire grand chose. Jan à la Main Rouge ? Jan à la Main Sanglante ? Elle n’avait plus le temps d’hésiter.

Tout le monde a prêté serment.

Élevant la voix, elle a appelé d’un ton qui a fait frémir toutes les personnes présentes: « Avance, Ô toi qui n’a pas de nom. Avance avec moi, toi le chef désigné de notre cause.

- Il va falloir te lever et te placer à côté de celle qui est nue » a dit Olaf en souriant. « Elle t’attend Jan. C’est à toi de prendre le commandement maintenant.

- Chef de ces va nu pieds ? Moi le chef d’un groupe de sorcières et de lutins de la forêt ? »

Morven se demandait avec angoisse : « Pourquoi Jan ne s’avance-t-il pas ? Elle laissa retomber ses bras fatigués pendant qu’elle attendait une réponse mais elle ne pouvait pas attendre trop longtemps. Encore une fois, elle leva les bras et appela : « Avance, Ô toi qui n’a pas de nom. »

« Tu es fou, » a dit Olaf en crachant plein d’excitation et d’appréhensions. « Tout ce qu’on te demande est de fermer les yeux sur leurs réunions... ils sont inoffensifs, jamais te ne seras obligé d’y rendre part."

«Mais… »

« Cette fille est bien sage, elle a transformé cette convocation en un rite, vas-y pendant qu’il en est encore temps, elle ne pourra t’appeler que trois fois. »

Morven n’osait tourner la tête pour voir si Jan était là, mais elle écoutait attentivement. Il n’y avait aucun son derrière elle et elle savait qu’elle était seule.

Les gens devant elle attendaient dans un silence total. Elle leva les bras et lança à nouveau son appel désespéré : « Avance, Ô toi qui n’a pas de nom. Avance, toi le chef désigné de notre cause. Par trois fois je t’appelle.

- Si seulement Dieu t’avais doté de l’esprit de répondre à tes immenses ambitions », a déploré Olaf désespéré. « Si tu n’y vas pas, je vais y aller. Quelqu’un doit répondre à cet appel. »

Comme Olaf faisait mine de mettre sa menace à exécution, Jan s’est précipité et a bondit comme un cerf jusqu’à Morven. Bien qu’il n’ait fait aucun bruit sur l’herbe, Morven savait qu’elle n’était plus seule. Elle recula en gardant sa main droite avec l’athamé levé au-dessus de sa tête et sa main gauche tendue. Il a placé sa main droite dans la main gauche de Morven et elle l’a conduit vers l’avant.

« Pourquoi as-tu attendu aussi longtemps, imbécile ? Tu as presque tout fait rater, » a-t-elle murmuré en s’approchant du bord. « Voici votre chef, Jan-le-Bretteur ! » Morven avait un air chevaleresque, sa voix avait le son d’une trompette d’argent.

Un cri lui a répondu lorsque tous ont vu qu’il était grand et beau, qu’il avait de l’assurance et semblait déterminé. Ils l’ont acclamé avec une grande satisfaction. A ce moment d’excitation intense Jan avait l’air d’être né pour commander et il s’en sentait l’âme.

Comme ils l’acclamaient encore et encore, elle lui a dit d'une voix épuisée mais avec une autorité presque méprisante, car elle savait ce qu’il pensait. « J’ai fait ma part, maintenant à ton tour de faire la tienne. Tout dépend de toi maintenant, le succès ou l’échec. Tu dois jouer à être Sir Jan Bonder, mais sans révéler ton nom. Tu dois encore gagner tes éperons de chevalier, mais ton sang te guidera et parlera pour toi. Sois leur chef. Fais-t-en d’abord des amis, des camarades, qu’ils soient plus que tes serviteurs. Je pense que tu as un don pour diriger. Utilise-le car je ne peux rien faire de plus.

- Je te demande pardon, Morven. Jamais je ne pourrais te rembourser pour ce que tu as fais pour moi.

- Ca ne compte pas. Parle-leur, Jan, oublie tous tes doutes, rejette tes idées préconçues, détends-toi. Détends-toi, parle- leur comme il faut et tu les gagneras à ta cause.

Les cris se sont tus quand il a levé la main. « Bonnes gens, je suis un homme simple, je ne parle pas beaucoup, je préfère agir. »

Des cris et des applaudissements lui ont montré qu’il se rendrait populaire en descendant de son piédestal. « Je viens parmi vous parce que je suis moi aussi opprimés par les hommes qui vous oppriment vous aussi, j’ai été chassé de chez moi comme vous avez été chassés de chez vous par la violence. Mon père et mon grand-père ont tous deux été assassinés lâchement comme l’ont été vos pères et vos grands-pères. J’ai été dépouillé de tout comme vous l’avez été, et par les mêmes personnes. Je cherche la vengeance comme vous la demandez et je veux qu’on me rende mon héritage tout comme vous voulez qu’on vous rende le votre. Unissons nos forces puisque nous avons un ennemi commun et la même souffrance à venger. Aidez-moi et je vous aiderai. Moi, votre chef, je sais que vous avez tous souffert, je vous vengerai et je vous mènerai à la victoire. »

Des cris sauvages ont accueilli ce discours. « Conduits-nous et nous te suivrons, » ont-ils dit, puis : « Descends parmi nous, Ô Jan-le-Bretteur. Viens manger et boire avec nous car ce soir nous allons festoyer. Descends Demoiselle bénie, et guide-nous dans la danse.

- Nous devons aller parmi eux. En tout cas moi je suis affamée, » lui a-t-elle dit. « Tu les as gagnés à ta cause, Jan, mais tu dois garder leur attachement. Vas t’amuser avec eux et ils t’aimeront et te serviront.

« Je suis plus que prêt, » a-t-il déclaré, « Je vais attendre jusqu’à ce que tu enfiles tes vêtements de femme.

- Je suis déjà en tenue de femme et je dois rester ainsi... je suis Prêtresse et je dois donc apparaître comme leur prêtresse, sinon je perds mon pouvoir, les vêtements me sont donc interdits. Accepte-moi comme je suis, Jan. » Puis, lorsqu’il a essayé d’ouvrir la bouche elle a dit de façon impérieuse : « Non, pas un mot, tu es trop borné. Allons, descendons. »

Lorsqu’ils ont quitté la plate-forme ils furent rejoints par Olaf et les hommes de Spurnheath, et se sont mêlés à la foule. Les salutations furent chaleureuse lorsque le vieux Simon les a menés d’un groupe à l’autre jusqu’à ce qu’ils aient été présentés à tout le monde. Cet acte amical les conduit à apprécier Jan.

Bientôt Morven a frappé dans ses mains. Elle était fatiguée par les frôlements de la foule qui s’amusait. « Viens, allons danser, » a-t-elle dit.

A ce moment les harpes ont commencé à jouer, renforcées par des cornemuses, des tambours et des flûtes. Une longue ligne s’est formée derrière Morven qui les a conduits dans ce qu’on pourrait décrire comme sorte de farandole où tout le monde la suivait. Elle avait souvent dansé cette danse et en connaissait chaque pas et geste, même si l’honneur de la conduire était habituellement réservé aux personnes importantes et privilégiées et que pour elle c’était une première. 

 

 

 

 

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