Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  XIII – Les Jarretières Rouges (3)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Ils ont salué maladroitement et s’en sont allés avec leurs pelles, disparaissant derrière une haie. Morven a mis sa pelle sur son épaule et est allée à la rencontre de Jan et Hildegarde.  

Jan avait passé un mauvais quart d’heure sous le feu incessant des questions de sa mère. Il était d’autant plus gênant de lui répondre qu’il n’y avait rien entre Morven et lui : sur le coup, elle le traitait tout le temps de menteur. Il voulait empêcher Morven de continuer son bêchage. Son sens de l’hospitalité était révolté à l’idée qu’une de ses invitées s’affaire ainsi. Il hâta le pas pour distancer sa mère mais elle a posé une main ferme sur son épaule et l’a gardé avec elle.

Elle n’était donc pas de bonne humeur quand elle a vu que Morven avait cessé de bêcher. « Où vas-tu, maîtresse? Il ne fait pas encore nuit, mais tu quittes déjà ton travail. Nous ne faisons pas comme en ville ici, retourne à ton travail

- Le travail est fait maîtresse, la terre est retournée.

- Retournée ! » a crié Hildegarde « Non Jan tais-toi, je vais dire ce que je pense. » Hildegarde a saisi ses jupes à deux mains et a sauté par dessus les obstacles avec agilité et courut voir, sondant le sol avec son bâton, elle en a testé la profondeur.

« O Morven. Je suis terriblement humilié, » s’est écrié Jan piteusement.

« Et moi je suis ragaillardie. Dis-moi, Jan, est-ce que tu connais un endroit appelé le Saut du Cerf ? Nous devons y aller cette nuit. »

Elle ne pouvait pas en dire plus devant Hildegarde qui s’approchait, ses longues tresses au vent avec un grand sourire sur le visage. « Tu es une bonne travailleuse ma chère enfant, » s’est elle écriée. « Tu nous as bien aidé aujourd’hui. Six de mes ouvriers n’en n’auraient pas fait plus, tant ils sont paresseux. » Et elle rayonnait en regardant Jan en se disant : ‘Il a bon goût après tout, même s’il n’a pas cessé de me mentir.’ « Olaf, prends sa pelle et toi viens dans la maison te réchauffer près du feu. Morven la nuit tombe et le froid arrive. Tout ce que tu as fait a dû te fatiguer. Tu peux rester avec nous toute la saison si ton oncle est d’accord. »

Ils sont entrés dans la maison, Jan et Olaf étaient rassurés, leur mère n’avait pas tiqué devant cette prouesse.

« Viens, assied-toi et repose-toi, Morven, » l’a encouragé Hildegarde en lui présentant une chaise. « Comme je l’ai toujours dit, ‘un nouveau travail fait du bien’ et je vois que tu as des mains de couturière.

Et à ce moment Morven a réalisée qu’une pile de vêtements à ravauder l’attendait, mais elle aimait bien coudre.

« Moi, j’aime bien filer lorsque j’ai le temps,» a dit la dame, en faisant faire au fuseau qu’elle venait de décrocher de sa ceinture ses premières rotations de la journée. « J’ai toujours préféré filer que coudre. » Ce qui fut confirmé par le tas de vêtements qu’elle avait confié à son invitée. Les servantes sont entrées en silence et se sont assises en prenant un vêtement de la pile. Leur maîtresse parlait beaucoup en répétant les scandales qu’elle avait entendus comme ces histoires de curés qui avaient des épouses (elle les traitait de concubines) et elle fut bien déçues que Morven ne connaisse pas un seul potin de la ville. Elle ne voulait pas entendre parler de Londres qui était trop loin pour que ça l’intéresse. Pour elle c’était presque un autre pays et elle châtiait sévèrement les femmes de chambre qui posaient des questions sur Londres.

C’est pendant le souper qui a suivi que Morven a parlé à voix basse de la rencontre prévue au Saut du Cerf. Il fut consterné par cette nouvelle. « Comment vas-tu y aller ? » a-t-il demandé. « Tu vas dormir dans la chambre avec les servantes et mère les enferme toujours pour leur sécurité, enfin pour éviter qu’elles aillent voir des hommes ou que des hommes viennent les voir.

- Oh mon cher » a murmuré Morven désespérée. « Et si je n’y vais pas, nous aurons fait tout cela en vain, les gens penseront que je n’ai aucun pouvoir si une porte fermée à clef m’empêche de sortir. Tu dois voler les clés pour moi, Jan.

« Ma mère les garde toujours sur elle, mais il y a un moyen de sortir, il faut juste oser... en passant par le trou de fumée dans le toit. Si moi et Olaf nous grimpons dans la grange, c’est facile, on l’a souvent fait quand nous étions enfants, nous pourrons alors t’envoyer une corde et ainsi te tracter vers en haut, mais, » il l’a regardé « Il faudra que tu enlèves ta robe car il y a beaucoup de suie. Nous aurons tes vêtements d’homme avec nous. Tu pourras chevaucher avec nous et revenir de même. N’aie pas peur des servantes. Elles dorment comme des loirs jusqu’à ce que mère les libèrent. »

Morven hocha la tête en signe d’assentiment.

Dehors il commençait à faire bien sombre et la lune rouge montait dans le ciel d’été.

« Venez tous ! » cria Hildegarde. « Au lit. Il y a du travail à faire demain. Olaf, verrouille toutes les portes. Jan, occupe-toi des volets. Les femmes, venez ici. Les hommes, allez dans votre chambre. » Ainsi, en divisant ses gens, elle enferma les femmes dans leurs quartiers comme du bétail dans un enclos et ferma la porte à clef.

Sue, la crémière, a demandé angoissée en bâillant : « Est-ce que tu sais où il y a la guerre, Maîtresse Morven ? »

« Je n’en ai pas entendu parler, » a répondu la jeune fille étonnée.

« Moi non plus, » a répondu Sue de façon diabolique. « Sans cela je ne serais pas là, je suivrais le camp, » ce qui a bien fait rire toutes les autres.

Elles ont alors parlé de débauche, mais les éclats de voix et les rires ont provoqué un bruit sourd à la porte et elles ont entendu la voix de stentor d’Hildegarde qui hurla : « Silence là dedans. Dites vos prières et allez dormir comme de bonnes chrétiennes. » Elles ont donc dû continuer leur conversation à voix basse et cesser de rire et elles se sont endormies peu après.

Le matelas de Morven était rempli de bruyère et sentait bon. Sa couche avait été placée au centre de la pièce sous le trou de fumée. Déjà son œil perçant avait vu un balai de bouleau dans un coin et pendant qu’elle attendait elle réfléchissait à la façon de s’en servir pour faire croire qu’elle était toujours dans son lit. Quand la respiration régulière des servantes a fait savoir à Morven qu’elles dormaient, elle est sortie de sa couche et avec ses couvertures et le balai elle a fait un mannequin qu’elle a mis dans son lit.

Elle a attendu tranquillement jusqu’à ce qu’un mouvement sur le toit lui fasse comprendre qu’Olaf et Jan étaient dessus. Peu après elle a vu une corde descendre par le trou à fumée. Elle en a attrapé l’extrémité pour qu’elle ne fasse pas de bruit en heurtant le sol et comme elle se terminait par une boucle, elle y posa le pied et tira sur la corde pour faire comprendre aux frères Bonder qu’elle était prête à se laisser hisser et elle s’est élevée dans les airs. Elle est passée par le trou à fumée et elle s’est retrouvée sur le toit. Olaf et Jan ont détourné les yeux car elle était nue et ils lui ont murmuré que ses vêtements d’homme l’attendaient sur le sol. Elle les a enfilés.

Doucement, ils se sont rendus à un bosquet d’arbres où leurs chevaux étaient gardés par Peter, le fils du vieux Simon, et en silence, ils ont grimpés sur leurs montures et se sont éloignés.

           

 

 

 

 

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