Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  XII –  Spurnheath (4)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Ils ont chevauché en forêt jusqu’au lieu que leur avait désigné Thur comme lieu de rencontre. Là Olaf a mis pied à terre et a gravé une grande croix sur le tronc d’un hêtre. « Thur ne pourra pas rater ça, » a-t-il dit. Puis ils se sont hâté jusqu’à atteindre l’orée du bois. Ils ont continué sur un chemin bordé de pins. Le chemin était envahi par les herbes, c’était une simple piste avec des ronces en fleurs fortement enchevêtrées qui s’accrochaient à ceux qui passaient. C’était le lit d’un torrent à sec, depuis longtemps utilisé comme sentier serpentant sur le flanc de la colline et se terminant sur un plateau de pâturages marécageux même par temps sec. Il était très vert, avec une vue sur toute la région en contre bas, les forêts et les champs, et au loin une ligne qui brillait à l’horizon, c’était la mer. La colline de l’autre côté avait une pente légère et, d’une source, un ruisseau descendait jusqu’au bas de la colline. Près de ses rives herbeuses, il y avait des oies surveillées par une jeune fille aux pieds nus, vêtue de quelques haillons. Une crinière de cheveux blonds sauvages couvrait ses épaules et descendait jusqu’à sa taille. Sa frange épaisse cachait son front; en dessous, ses yeux qui brillaient comme ceux d’un lapin étaient tout aussi curieux, et regardaient vers eux. Jan et Olaf l’ont salué joyeusement en passant. « Bonne journée, Truda.

- Bonjour, maîtres. » La jeune fille les regardait curieusement, puis elle a fait un signe auquel Morven a répondu. Ils ont galopé sur l’herbe au pied de la colline et le long du ruisseau. Une partie de la forêt gagnait sur les terres labourées et celles où broutait le bétail. De la forêt venaient les cris de porcs qui fouillaient entre les hêtres. Derrière il y a avait un corps de ferme et ses dépendances vers où se dirigeait un chariot rempli de bois. Voilà Spurnheath.

Au pied de la colline il y avait une route menant à la ferme. Morven regarda autour d’elle, elle voyait partout des manifestations d’une bonne gestion, d’ordre et de prospérité. Ils arrivèrent à la porte en même temps que le chariot de bois. Ils se sont poussés pour le laisser passer. Morven n’a pas demandé à Jan et Olaf pourquoi ils préféraient se trouver en queue de convoi plutôt qu’à sa tête. La porte de la maison était ouverte et la femme qui en est sortie s’est approchée de la grange et s’est placée contre le mur, en équilibre sur ses talons, comme pour soulager la plante de ses pieds. Elle avait placé ses mains contre ses grosses hanches. Ses bras étaient couverts de farine et une odeur de pain en train de cuire trahissait ce qu’elle venait de faire.

C’était une femme belle, grande et solide, mesurant un bon mètre quatre-vingt. Sa peau très blanche accentuait ses beaux traits réguliers encadrés par des cheveux bruns très sombres séparés en deux nattes épaisses. Elle était vêtue d’une robe de laine d’un rouge lumineux qui lui allait bien. De grands yeux, sombres et intelligents mais pleins de colère, regardaient le chariot s’approcher. Le malheureux conducteur affichait une nonchalance qu’il était loin de ressentir, il savait pourtant qu’elle n’avait pas vu ses enfants qui se cachaient derrière les tas de bois.

« Chinnery, » a-t-elle éructé. « Dépêche-toi avec ce bois. Empile-le ! Hé Tomkin! Viens et prête-lui main-forte. Empilez les petits troncs là-bas, ils pourront sécher au soleil... mais... qu’est ce que c’est que ça ? »

Une enjambée soudaine l’a amené à la charrette où une fois que la partie supérieure avait été déchargée on pouvait voir qu’une partie du chargement n’était pas du bois coupé mais du bois ramassé dont une partie était pourrie. Chinnery tremblait alors qu’Hildegarde attrapa un bâton et il s’efforça d’esquiver les coups, mais elle tomba sur le malheureux et c’est de bon cœur qu’elle lui envoya des coups sur le derrière. « Espèce de chien ! » a-t-elle hurlé, son bras se levant et retombant comme un fléau. « Espèce de dégénéré, fils du diable, espèce de fourbe trompeur! Je vais t’écorcher, » et elle a poursuivi un Chinnery glapissant autour du chariot. Hildegarde s’est retrouvée face à face à ses enfant et l’étrangère. Ahurie elle baissa son bâton de surprise. « Bien, » a-t-elle crié avec indignation, « et qui es-tu, maîtresse? »

« Je suis Morven, mon oncle Thur, le médecin, vous envoie ses salutations et félicitations, Maîtresse Hugh. »

Hildegarde se calma et ouvrit la bouche, puis elle la referma brusquement. Ses yeux en colère croisèrent ceux de ses deux fils. Il y avait quelque chose dans leur regard qu’elle n’avait pas vu avant et qui l’a calmé.

Pendant ce temps Morven était descendue de cheval et en fouillant dans son sac de selle elle en a sorti un pot en terre. « Alice Tchad vous envoie ceci. Elle vous prie de goûter cela. C’est une de ses recettes, il y a de la noix pilée et de miel, le tout est aromatisé avec des amandes. »

Hildegarde regardaient la silhouette mince, avec des vêtements comme apprécient les jeunes, en drap brun. Elle n’a pas desserrée les dents, s’abstenant de tout commentaire. Elle était fâchée et devait soit hurler soit garder le silence.

« Vous regardez mon vêtement, » a poursuivi Morven. « Mon oncle trouve qu’il est plus sûr que je voyage vêtue de la sorte, c’est moins dangereux pour Jan et Olaf. Je viens chercher des parents de ma mère, il semble qu’ils vivent à trois lieues d’ici et mon oncle me dit de vous demander un abri pour la nuit.

Hildegarde avala sa salive ce qui lui permis de retrouver son calme. « Tu peux, bien sûr, sois la bienvenue, Morven. Mes fils sont de tristes vagabonds qui me laissent jouer le rôle de l’homme de la maison et faire un travail d’homme parce qu’ils sont partis s’amuser au loin avec le médecin. Mais je ne savais pas que Thur avait une nièce.

- Il ne le savait pas lui-même avant de me voir, » lui a dit Morven, les yeux écarquillés pleins de candeur. Elle a tendu le pot qu’Hildegarde a pris de façon aussi gracieuse qu’elle a pu.

Chinnery est sorti de sous le chariot et a commencé à le décharger. Jan et Olaf lui ont prêté la main alors que les deux femmes les ont regardés faire avec un intérêt feint pour faire oublier le silence qui s’était installé entre elles. Hildegarde n’était pas véritablement amicale et Morven le sentait bien, elle attendait donc docilement le bon plaisir de son ainée.

Le bois était presque empilé lorsque Chinnery a pour la première fois clairement vu Morven et ses yeux ont rencontré les rubans rouges. « Oh, les jarretières rouges » s’est-il exclamé avec enthousiasme et il a laissé tomber sa bûche comme s’il avait oublié ce qu’il était en train de faire, mais Morven lui a envoyé un regard réprobateur. Chinnery a alors mis sa grosse main sur sa bouche comme pour empêcher que d’autres paroles en sortent.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? » s’est écriée Hildegarde exaspérée. « Tu n’as pas eu assez de bâton pour pouvoir parler de jarretières rouge pendant que tu ranges du bois pourri ? Allez, au travail si tu ne veux pas que je te brise le crâne ! »

Wat et Samkin, qui avaient ramené avec eux les divers articles du marché, sont arrivés, ce qui a fait diversion. Voyant leur maîtresse un bâton à la main et un regard plus noir que d’habitude, ils se sont dits que le déchargement de leurs marchandises allait être animé quand soudainement ils ont vu Jan, Olaf et Morven.

L’esprit bucolique n’est pas gage de travaille rapide, surtout quand pendant des heures, il a été question de sorcières et de sorcellerie. Leurs maîtres, en compagnie de l’étrangère aux jarretières rouges, avaient dit qu’ils seraient absents de la ferme. Ils devaient donc être réellement absents et maintenant ils étaient face à leurs fantômes ! Ils ont aussitôt déchargé ce qu’ils transportaient en marmonnant. Hildegarde n’a rien compris si ce n’est les mots « jarretières rouges ».

Morven, lisant dans leurs esprits, a parlé calmement et clairement avant que la tempête n’éclate. « Nous vous avons dépassé en passant par la forêt, » a-t-elle expliqué. Sa sérénité les a rassurés et ils ont ramassé leurs charges, prenant l’air stupide lorsqu’ils ont recroisé le regard en colère de leur maîtresse.

« Des jarretières rouges, » a dit Hildegarde. « Es-tu venue ici pour ensorceler tous mes gens avec tes parures ? On dirait des grands singes avec leurs bavardages insensés sur ces jarretières rouges. »

Morven minaudait. « C’est la grande mode à Londres. Si elles vous plaisent, je vous prie de les accepter.

- Moi ? Décorer mes jambes avec ça ? Qui les verrait ? Je ne suis pas une prostituée pour montrer mes jambes à tout le monde. Si tu as des vêtements de femme, mets-les. Allons dans la maison ! » Alors qu’Hildegarde se dirigeait vers la maison, la gardeuse d’oies arrivait de la colline, son groupe d’oies devant elle, elle regardait les femmes qui entraient dans la maison.

La maison est constituée d’une grande pièce avec un foyer au milieu et le trou habituel pour laisser s’échapper la fumée. Les fenêtres très étroites ne laissaient passer que peu de lumière, le sol de terre battue était couvert de joncs et un escalier de bois, presque une échelle, menait à l’étage. Une jeune servante s’affairait à une longue table étroite, elle mettait en place les verres et les assiettes en bois. Une autre jeune fille s’activait à un énorme chaudron accroché au dessus d’un feu. Non loin de là une porte conduisait à une autre pièce où dormaient les femmes après qu’Hildegarde les y ai enfermées. Hildegarde s’était autorisé le luxe d’avoir une chambre individuelle, au grenier au dessus de la salle de séjour, alors que les hommes de la ferme dormaient autour du feu dans le séjour.

« Tu vas dormir ici, avec les femmes, » a dit Hildegarde en désignant la chambre. « Et enfile maintenant des vêtements de femme honnête avant que d’autres hommes ne te voient, » a-t-elle dit en pensant qu’elle devrait enfermer Morven cette nuit pour qu’elle soit en sécurité.

 

 

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