Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre  XII –  Spurnheath (1)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Le soleil commençait à percer à travers une brume dense lorsque Thur, Morven, Jan et Olaf sont sortis de la ville le lendemain matin. Après leur expérience de la veille, les deux frères Bonder étaient quelque peu distraits et Morven ne pouvait guère étouffer ses bâillements tant elle était fatiguée. Elle avait mis tellement de force dans son étrange numéro musical qu’elle était totalement épuisée. Après avoir libéré les prisonniers, ils étaient restés assis à discuter jusqu’à tard dans la nuit, puis ils ont fait une razzia dans le garde-manger et ont récupéré l’abondante nourriture qu’ils avaient rangée dans les sacoches de leur selle. Thur chevauchait avec eux pour qu’ils passent les portes de la ville sans encombre. Il semblait être le seul à ne pas être épuisé. Devant eux il y avait les deux grands chariots qu’ils avaient amenés la veille pour vendre du blé.

Thur a dit : « Eh bien, mes joyeux compagnons, si j’étais vous, j’irais chercher un bosquet et je dormirai tout mon soûl, ça vous fera du bien et vous pourrez facilement rattraper les chariots. Morven, sois prudente, je t’en prie ! Je vous retrouverais à l’orme foudroyé près de la Stour, demain à quatre heure, vous ne devez pas être là la nuit, je serais de retour à midi après demain. Au revoir et que Dieu soit avec vous! 

- J’aimerai que Thur ait vingt ans de moins, » a dit Olaf en soupirant alors qu’ils le regardaient s’en aller au galop.

« Pourquoi ? » a demandé Jan en bâillant puis il s’est signé de peur que le diable apparaisse dans sa gorge comme on le croyait à l’époque.

« Il serait avec nous pour plus longtemps. La mort va nous le voler et après que ferons nous ? 

- Les Dieux sont avec nous, pourquoi parler de la sorte ? Nous ferions mieux de dormir, » à dit Morven en bâillant. « Pourquoi pensez-vous à ce genre de chose ? 

- Parce que, si on me laissait faire, je serais toujours avec lui.

- Hum, » grogna Jan. « As-tu envie de devenir médecin comme lui ?

- Non, je serais un grand mage, » a-t-il répondu modestement. « Je me plongerai dans tous les mystères cachés et les papes et les rois attendraient haletants mon assentiment.

- Il n’y a pas plus de bon sens dans ta tête que dans un pot fêlé ... Tu ferais mieux d’attendre de devenir capitaine de tous mes hommes quand j’aurai mon armée puis tu épouseras Morven. »

Cette idée ennuyait Olaf. « Un soldat, moi, jamais! Je n’aime pas les effusions de sang inutiles mais je me battrai pour que tu retrouves tes droits. Quant à épouser Morven, c’est ton rôle, tu es mon aîné de trois ans. Non, c’est toi qui l’épouseras.

- Ce n’est pas avec vous que je trouverai facilement un mari, aucun de vous deux ne veut de moi, » a dit sèchement Morven.

Pourtant, malgré ces paroles cassantes, elle ne pouvait pas s’empêcher de fixer Jan d’un regard interrogateur.

Jan regarda son frère, puis Morven et fronça les sourcils. Son plan était remis en cause. C’était une récompense appropriée pour les services de Morven et Olaf serait honoré pour sa fidélité. « Non, le mariage n’est pas pour moi, pas encore ... quand le temps sera venu je devrai chercher une alliance puissante.

- Tu épouserais une héritière ? » a demandé Morven, la bouche sèche, pendant qu’Olaf regardait son frère avec dégoût.

« Non, l’argent en lui-même n’a pas d’importance pour moi, seul compte ce qu’on peut en faire. Avec de l’argent on pourrait engager des soldats.

- Donc, au lieu de chercher l’aide de la sorcière nous aurions mieux fait de chercher le trésor d’un lutin au pied d’un arc en ciel ? » a dit Olaf ironiquement.

Jan a ignoré cette pique et il a plutôt répondu à la question qu’il lisait dans les yeux de Morven. Il y a vu une sorte de reproche dont il ne voyait pas la cause, quelque chose dont il était innocent, à la fois en acte et en intention. « Lorsque nous aurons chassé Fitz-Urse, par magie ou autrement, nous serons encore faibles, » a-t-il expliqué de façon polie comme à son habitude, une habitude qui le rendait aimable. « Ma seule façon de nous renforcer est d’épouser la fille d’une famille riche et puissante. En n’exigeant qu’une faible dot, ou pas de dot du tout, cela devrait être plus facile. »

Jan hésitait. « Qu’est-ce que l’amour ? » a-t-il demandé alors que ses yeux semblaient de plus en plus perdus dans le vide, comme s’il cherchait une réponse à l’intérieur de lui-même. « Un désir insatisfait pour un beau visage ... une vision qui ne pourra jamais être mienne ? Ce n’est qu’un rêve dans lequel tombe un homme sans en avoir conscience, comme dans une fosse creusée par un ennemi. Un instant, il est heureux et son propre maître, le lendemain il a vu ce qu’il ne peut avoir et tombe et jamais il ne sera plus l’homme qu’il avait été. La noirceur de la fosse s’est refermé sur lui et sa seule étoile c’est le souvenir de celle qui l’a plongé dans l’anéantissement. »

Le regard d’Olaf était plus dur que jamais. Est-ce qu’il était devenu fou ? L’amour avait du le rendre fou comme ça arrivait a certains hommes, et tout le monde sait que les fous parlent beaucoup !

Jan est sorti de sa transe et a secoué la tête comme s’il sortait de l’eau. « Non, Morven, ne sois pas un cœur d’artichaut. Ma femme et moi nous pourrons nous aimer quand nous en aurons l’occasion, mais nous devons d’abord arriver à nos fins. »

Morven ne répondant pas, Olaf s’est précipité vers elle, réfléchissant de son côté à Jan et ses affaires. Jusqu’à présent, Olaf n’avait envisagé cette histoire de retrouver leur héritage plus comme une aventure dont ils seraient les héros, que comme une question importante de la vie, telle que le labourage de leur terre. Même l’expérience du triangle était totalement irréelle. Mais ce que venait de dire Jan lui révélait à quel point la question était grave et combien le ciel était sombre au dessus de leurs têtes, révélant des difficultés insoupçonnées, l’assaut et la prise du château; l’assassinat de Fitz-Urse, n’étant que le début de l’histoire et non sa fin, comme il l’avait toujours imaginé.

 

 

 

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