Avec l’Aide de la Haute Magie

Chapitre X – Œuvrer Ensemble (5)

par Gerald Gardner

version française Tof & Xavier

 

 

Cette nuit-là ils ont dormi en paix, mais le lendemain c’était le jour de Vénus et encore une fois Morven et Thur ont préparé l’eau pour se purifier. Une fois cela accompli, ils ont tracé le triple cercle exactement de la même façon que la fois précédente. Leur travail était maintenant de faire le burin, un outil des plus importants.

Thur récita à nouveau les mêmes psaumes de David, puis, jetant les herbes dans le brasier, il a attendu que les nuages d’encens s’élèvent puis il a pris une alêne de graveur l’a purifiée sur les braises et, avec le couteau à manche blanc, un outil dont l’usage est différent de celui de l’athamé avec lequel la sorcière contrôle les esprits et pratique la magie, il a sculpté ces caractères :

sur le manche du poinçon, qui allait devenir le burin.

L’invocation a suivi, solennelle et imposante : « Asphiel, Asophiel, Asophiel! Pentagrammaton, Athanatos, Eheieh, Asher, Eheieh! Qadosch, Qadosch, Qadosch! » et il a prié: « Ô Dieu éternel, mon père, bénissez cet instrument préparé en votre honneur afin qu’il ne me serve que pour une utilisation et un but bénéfique et pour votre gloire. Amen. »

Il l’a encensé et aspergé puis l’a posé de coté, enveloppé dans le tissu de lin et ce fut la fin de leur travail de la nuit car avant de continuer, ils devaient attendre le jour et l’heure de Mercure. Les progrès étaient lents et il y avait beaucoup à faire, beaucoup à préparer avant de pouvoir commencer le grand œuvre et aider Jan.

Alors que Morven aidait Thur à effacer les caractères kabbalistiques sur le sol, elle lui demanda sobrement: « Que sont ces noms aux sonorités étranges que vous invoquez ? 

- Ce sont les noms des anges et des grands esprits, mais leur origine est enveloppée de mystère. Certains sont égyptiens, d’autres sont encore plus anciens et remontent aux chaldéens et aux phéniciens, d’autres encore sont hébreux. Tout ce que nous savons avec certitude, c’est que ce sont des mots de pouvoir. J’ai réfléchi à leur significations pendant de nombreuses années et je suis parfois tenté de croire qu’ils n’en ont pas, mais, comme ils retentissent comme des coups de gongs et nous lient tous et qu’ainsi tout ceux qui les entendent sont pris dans une sorte de grand filet, tous ont les mêmes sentiments, les mêmes pensées, les mêmes désirs, jusqu’à ce que la force de chacun soit aspirée, comme un nuage d’encens qui s’envole vers le ciel, et s’unit à la volonté concentrée du mage et forme un grand pivot sur lequel tourne la roue du cercle et toutes ses potentialités. Suis-je confus, Morven ?

- Non. Voulez-vous dire que lorsque deux ou trois personnes sont réunies, en particulier si elles ont un même objectif, toutes leurs pensées s’entrelacent et contribuent ainsi à faire s’accomplir l’objet pour lequel ils se sont rassemblés et que ces mots qui retentissent, même s’ils n’ont pas de signification intrinsèques, par la répétition de certains sons, puis en passant à un autre son qui est répété, martèlent l’esprit et se façonnent selon la volonté du mage, c’est bien ça ? Ainsi, il ne doit pas avoir d’autre pensée que le but qu’il cherche à atteindre et ainsi il peut capter le pouvoir de ceux qui font appel à lui. »

Thur a hoché la tête mais il a ajouté à la hâte : « N’oublie pas que je suis un novice dans l’art,  je ne fais qu’exprimer ce que je pense de ces incantations. »

Quand le jour de Mercure revint, ils se retrouvèrent une fois encore dans le triple cercle. Thur récita à nouveau les trois psaumes, qui semblaient à chaque fois plus merveilleux à Morven à mesure qu’elle les écoutait avec plus d’attention et les comprenait de mieux en mieux.  

Il avait besoin de cire pour fabriquer l’épée magique, et cette cire allait être la cire d’abeilles fraiche que Morven avait récoltée vers midi. Elle s’était montrée très habile dans la manipulation des abeilles qu’elle ne craignait pas du tout. Les abeilles semblaient l’apprécier.

Tenant la cire dans sa main droite, Thur a invoqué : « Exabor, Hetabor, Sittacibor, Adonai, Onxo, Zomen, Menor, Asmodiel, Ascobai, Conamas, Papuendos, Osiandos, Spiacent, Damnath, Eneres, Golades, Telantes, Cophi, Zades! Anges de Dieu soyez présents, car je vous invoque dans mon travail pour que, par vous, il trouve la vertu. Amen. »

Il a fait une pause et exorcisé comme cela : « Je t’exorcise toi, Ô créature de cire, pour que, par le saint nom de Dieu et de ses saints anges, tu reçoives la bénédiction, afin que tu puisses être sanctifié et béni pour obtenir la vertu que nous désirons, par le très saint nom, Adonaï. Amen. »

Priant de la sorte, il a aspergé et encensé la cire et l’a enveloppé dans un tissu de lin blanc. De la même manière, il a consacré un acide puissant qui sera utilisé pour la gravure sur l’acier trempé de l’épée. Quand ce fut fait et l’a mis de côté. Morven a pris sur la table un encrier en terre, cuit à l’heure et au jour de Mercure, et le donna à Thur. Avec le burin, il a gravé sur sa base ces noms sacrés en caractères hébraïques : Yod He Vau He, Matatron, Iah, Iah, Iah, Qadosch, Elohim, Zabaoth. Il l’a rempli avec de l’encre et l’a exorcisé : « Je t’exorcise, O créature d’encre, par Anaireton, par Simoulator et par le nom d’Adonaï, par la vertu de qui toutes choses sont faites, pour que tu sois pour moi une aide et un secours dans toutes les choses que je souhaite effectuer avec ton aide. » Il l’a aspergé et encensé puis l’a rangé avec la cire.

Le travail de cette nuit-là était achevé. Ils ont nettoyé toutes les traces de leurs activités et sont allés se coucher.

Il restait encore le grand événement, la création de l’épée magique. Il s’agissait d’une lame ordinaire, une épée courte qu’il avait achetée à Londres, lorsque, pensant être incapable d’aider les frères Bonder, il avait formé le dessin de recevoir des conseils en passant par Olaf, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre de ce livre. Cette tentative était plus du spiritisme qu’une véritable pratique de l’art magique. Olaf s’était révélé être un bon médium par qui les conseils nécessaires avaient transmis. On leur avait ordonné « Cherchez la Sorcière de Wanda » et celle-ci lui avait fourni l’athamé et le couteau à manche blanc, qui devaient leur permettre d’atteindre le but souhaité.

L’achat de chaque objet séparément ne pouvait les mettre en danger, c’était la possession de l’ensemble de ces objets qui pouvait constituer une menace. Toute personne avec un certain savoir, les voyant tous sur une table, saura immédiatement à quelles fins ils seront utilisés. La rumeur voulait que monseigneur l’abbé s’intéressait à l’art magique, mais d’une façon acceptée par l’Église. Ce qui se savait en ville était presque immédiatement su à l’abbaye, et un commérage de moine pourrait mettre l’abbé sur sa piste. Thur était convaincu qu’il n’aurait pas été plus dangereux de tracer son cercle, réciter ses psaumes, invoquer ses anges et exorciser ses instruments au milieu de la place du marché que d’acheter les objets nécessaires dans sa ville. Il était donc allé les chercher à Londres.

 

 

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