Jarretières comme signes des sorcières

par Doreen Valiente version française Lune

En 1892, un écrivain français, Jules Lemoine, dans La Tradition montre l’importance de la jarretière comme un signe de rang parmi les sorcières. Il écrit : « Les mauvaises gens [les sorcières] forment une confrérie qui est dirigée par une sorcière. Celle-ci a la jarretière comme marque de sa dignité ». (en français dans le texte)

Margaret Murray cite ce passage dans son « Witch-cult in western Europe » (Oxford University Press, 1921) et dans son livre plus récent « Le Dieu des Sorcières » [(Faber, London, 1952)-(ndlt : Editions Denoël, Paris, 1957. Collection " La tour Saint-Jacques", dirigée par Robert Amadou)], elle avance la remarquable théorie selon laquelle la fondation du premier ordre de Chevalerie de Grande-Bretagne, l’Ordre de la Jarretière, prend son origine dans la Vieille Religion de la Sorcellerie. Elle croyait que le Roi Plantagenêt, Edouard III, le fondateur de l’Ordre de la Jarretière, avait certainement été un sympathisant de la sorcellerie, si ce n’est un réel membre du culte.

Nous tendons aujourd’hui à voir la jarretière comme une pièce de friperie féminine, associée en esprit aux danseuses de french cancan et aux belles de la Belle Epoque. Mais, bien sûr, les jarretières des temps anciens n’étaient pas des froufrous faits d’élastique. Elles ont longtemps été en lacets et ficelles, qui étaient placées autour de la jambe et nouées ; et elles étaient utilisées par les hommes aussi bien que par les femmes.

Margaret Murray a suggéré que la signification de la jarretière en sorcellerie est la véritable explication de la vieille histoire de la fondation de l’Ordre de la Jarretière. L’histoire commence quand le Roi Edouard III danse avec une dame de sa cour, la belle demoiselle du Kent ou la comtesse de Salisbury, dont la jarretière tombe à terre. La dame était embarrassée ; mais le Roi, galamment, ramasse la jarretière en disant : « Honi soit qui mal y pense » (en français dans le texte), et il attache la jarretière à sa propre jambe. Cet incident lui donna l’idée de fonder l’Ordre de la Jarretière, avec douze chevaliers pour le Roi et douze autres pour son fils, le Prince Noir, faisant deux fois treize ou trente-six chevaliers en tout.

Le nombre treize a donné davantage de sens aux attributs du Roi comme Chef de l’Ordre. Son manteau était orné de représentation de 168 jarretières qui avec la vraie jarretière qu’il portait sur lui en faisait 169 ou treize fois treize.

Le susdit incident de la vie de la cour semble très trivial pour cet ordre noble, d’autant qu’il s'est fondé dessus, à moins qu’il recèle un sens caché. Mais si la jarretière que la dame a laissé glisser était une jarretière sorcière, alors l’épisode entier revêt un aspect tout à fait différent. La confusion de la dame et le geste du Roi sont perçus tout deux comme possédant une signification beaucoup plus profonde qu’une simple et jolie histoire de courtoise galanterie. Elle s’est révélée en tant que grande sorcière et il a publiquement montré son empressement à protéger la vieille religion et ses fidèles.

Une nouvelle preuve de l’importance de la jarretière comme un signe des sorcières peut être vue sur une rare et ancienne gravure sur bois, trouvée sur un frontispice, en copies seulement dans un livre sur les sorcières, Dialogues Touchant le Pouvoir des Sorcières et la Punition qu’elles Méritent par Thomas Erastus (Genève, 1579).

Cette image montre l’intérieur d’une chaumière de sorcière, située en quelque endroit éloigné, parmi les bois et les collines. Quatre sorcières sont en train de partir pour le Sabbat sur leurs légendaires balais volants. Deux d’entre elles se sont déjà envolées de la large cheminée de la chaumière ; tandis qu’une troisième, avant qu’elle ne parte, attache une jarretière autour de sa cuisse. Une quatrième sorcière, balai en main, attend son tour ; et à l’extérieur, un homme, qui leur est inconnu, espionne leur façon de procéder par le trou de la serrure.

L’artiste accepte évidemment l’histoire de sorcières volant sur leurs balais ; mais il mêle à sa fantaisie un détail de fait, à savoir la jarretière. Les artistes qui ont dessiné des images de sorcières dans les temps anciens faisaient souvent cela, parce qu’ils représentaient les croyances populaires sur les sorcières qui étaient un mélange de connaissance réelle et de fantasme.

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